Djibouti : Relecture des communications sur les supposées Négociations USN/UMP
Pour moi toute discussion, débat, pouvant amener à la paix est toujours un acte positif, qu’il provienne de l’une ou de l’autre des parties en conflit. Mais une négociation doit toujours faire l’objet d’un mandat clair et validé par les deux parties en présence. Voici quelques éléments qui pourraient faire avancer la réflexion.
Cela signifie d’abord que les deux parties s’acceptent l’une l’autre et que chacun reconnaisse en l’autre un interlocuteur crédible et accepté comme tel. Les précédentes négociations entre UMP et USN ont montré que cette condition n’était pas réalisée. La partie gouvernementale, par des avancées suivies de reculs successifs n’ont pas montré jusqu’à présent qu’elle acceptait une implication volontaire dans un processus de négociation d’égal à égal.
Afin d’éviter un nouveau processus de négociation qui tourne court comme le précédent, il faut rétablir la confiance qui a été sapée par l’indécision, le refus d’une partie de reconnaitre des avancées qui ont été actées verbalement en commun, etc. Il faut donc, avant même le début de nouvelle négociation que la partie gouvernementale apporte une réponse claire au questionnement de l’USN. Il me semble que l’USN a apporté sur la table des éléments qui montrent une inflexion incompréhensible des élections de 2013. Dans les bureaux où elle a pu participer à l’organisation du scrutin, elle a produit des photocopies de PV d’élection. La partie gouvernementale devrait donc apporter ses éléments de preuve remettant en cause cette production. Si la volonté est sincère des deux côtés de la table on devrait rétablir rapidement la réalité du vote législatif de février 2013.
Ensuite, pourrait débuter une réelle négociation entre les deux parties avec comme objectif de mettre en place des garde-fous constitutionnels et/ou réglementaire permettant d’éviter les dérives constatées lors du dernier scrutin législatif. On a pu voir, par exemple, que dans beaucoup de bureaux l’opposition n’a pu accéder au processus électoral.
Dans une autre étape, les problèmes liés à l’enseignement devraient pouvoir faire l’objet d’une autre phase de négociation entre l’opposition et la partie gouvernementale. Les enseignants qui ont été suspendu sans raison réelle et sérieuse devraient être repris puis, dans un deuxième temps, les objectifs de l’enseignement général reprécisés et établis clairement dans un texte commun finalisé, validé et accepté en commun.
Enfin, dans une dernière étape, cette négociation devrait aborder la nécessité de ramener dans la communauté nationale djiboutienne tous ceux qui, pour des raisons obscures, ont fait l’objet de discriminations depuis les 30 dernières années, aboutissant à l’exil pour certains, le bannissement pour d’autres. Une convention nationale devrait être ouverte aussi bien à l’opposition non armée qu’à la partie gouvernementale afin de mettre en œuvre institutionnellement, constitutionnellement et réglementairement des processus mettant la priorité sur la compétence des personnels plutôt que sur une base communautaire et/ou tribale. Ce travail demandant un changement des mentalités et des méthodes actuelles, il faut s’attendre à ce que les évolutions prennent du temps. C’est la raison pour laquelle, je la mets en partie finale. Elle ne devra pas empêcher les phases précédentes de se mettre en place.
En conclusion, j’espère que les communautés djiboutiennes seront en capacité d’évoluer vers cette négociation future entre opposition et pouvoir, cependant les évènements récents : refus actuel du gouvernement du libre exercice de l’expression populaire, l’utilisation de méthodes d’intimidations multiples allant de la garde à vue à la suppression de la nationalité en passant par l’emprisonnement, l’utilisation d’armes à balles réelles contre des opposants montrent que la distance est grande de la coupe aux lèvres. Pour négocier, il faut être deux. Et malheureusement, la partie gouvernementale semble incapable pour le moment d’avoir une analyse rationnelle permettant d’engager de réelles négociations avec l’opposition. J’aimerais que l’avenir me prouve que je me trompe.
Patrick Falcou
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