Mer Rouge/Corne de l’Afrique : Les ports de Djibouti sous le feu des critiques pour accusations de mauvaise gestion, trafics illicites et soutien à des groupes armés

Mer Rouge/Corne de l’Afrique : Les ports de Djibouti sous le feu des critiques pour accusations de mauvaise gestion, trafics illicites et soutien à des groupes armés

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  1. Accusations et preuves mentionnées dans le courrier du président des ports de Djibouti.

Le courrier du président des ports de Djibouti SA, adressé au directeur général du port polyvalent de Doraleh, soulève plusieurs accusations graves qui nécessitent une attention particulière.

Violation du décret présidentiel n° 2013-074/PRE

Le courrier fait référence à la violation du décret présidentiel n° 2013-074/PRE, qui approuve le Pacte d’Actionnaires de Port de Djibouti SA. Cette accusation est fondée sur l’article 5.1(2) de l’accord d’actionnaires, qui stipule que Port de Djibouti SA doit établir des règles et règlements pour la gestion des opérations portuaires. Il est reproché au directeur général de ne pas respecter ces règlements, ce qui soulève des préoccupations sur sa conduite et sur la conformité des opérations portuaires.

Gestion opaque et externalisation non réglementée

Le courrier accuse également la direction du port de s’appuyer sur l’externalisation des activités de manutention à des sociétés non réglementées, choisies selon des processus opaques. Cela entraîne des coûts élevés pour les clients, en contradiction avec les objectifs stratégiques du port. Par exemple, les clients sont facturés 11,5 USD par tonne pour une courte distance de manutention, alors que le coût du transport routier sur une distance beaucoup plus longue est relativement inférieur.

Achat d’équipements sans approbation

Une autre accusation significative est l’achat d’équipements de manutention pour plus de 160 millions de DJF, effectué sans l’approbation du conseil d’administration et sans passer par un processus d’appel d’offres. Cela constitue une violation des normes de gestion établies et soulève des questions sur la transparence et l’intégrité des décisions financières au sein du port.

Impact sur les opérations portuaires

Le courrier souligne que la mauvaise gestion a eu un impact négatif sur l’efficacité opérationnelle du port. Il est mentionné que, malgré des investissements substantiels dans des équipements modernes, la plupart des équipements de manutention ont été détruits en seulement sept ans d’exploitation. Cela indique une gestion défaillante et un manque de surveillance adéquate des ressources.

Pratiques clientélistes dans les opérations d’accostage

Enfin, le courrier dénonce des pratiques clientélistes dans les opérations d’accostage des navires, où la politique habituelle de « premier annoncé, premier arrivé » a été ignorée. Cela a conduit à des favoritismes qui nuisent à l’équité et à la transparence, essentielles pour le bon fonctionnement d’un port.

En conclusion, les accusations formulées dans le courrier du président des ports de Djibouti SA sont graves et s’accompagnent de preuves tangibles qui soulignent des lacunes dans la gestion et la gouvernance des opérations portuaires. La combinaison de violations réglementaires, de pratiques opaques et de favoritisme soulève des inquiétudes quant à l’avenir du port et à sa réputation sur la scène internationale.

2. Le courrier corrobore-t-il les contenus du rapport sur l’Indice de performance des ports à conteneurs 2023 ?

Le rapport de la Banque mondiale sur l’Indice de performance des ports à conteneurs 2023 (CPPI) classe le port de Djibouti à la 379e place mondiale, une chute spectaculaire par rapport à sa 26e place en 2022. Ce classement est basé sur des critères tels que le temps d’escale des navires à quai, l’efficacité opérationnelle et la productivité globale du port. Le rapport souligne que les ports africains, à l’exception de quelques-uns comme Tanger Med et Port-Saïd, ont généralement des performances médiocres en termes de gestion du temps et d’efficacité.

Les accusations du président des ports de Djibouti SA semblent corroborer les conclusions du rapport de la Banque mondiale. La mauvaise gestion des opérations d’accostage, les retards excessifs et les pratiques de clientélisme mentionnées dans le courrier sont en ligne avec les faibles performances du port de Djibouti dans le classement CPPI. De plus, le rapport de la Banque mondiale met en avant des problèmes de congestion et d’inefficacité opérationnelle, qui sont également évoqués dans le courrier.

Cependant, le gouvernement djiboutien a vivement contesté les conclusions du rapport, affirmant que les données utilisées sont erronées et ne reflètent pas la réalité sur le terrain. Il souligne que la productivité des quais a augmenté de 30 % entre 2022 et 2023 et que le port a investi dans des équipements modernes pour améliorer ses performances. Malgré ces affirmations, la chute spectaculaire dans le classement CPPI suggère que des problèmes structurels persistent et le courrier du président des ports de Djibouti SA, daté du 6 janvier 2025, met en lumière ses accusations graves concernant la gestion des ports de Djibouti.

3. Les ports djiboutiens sont-ils devenus des hauts lieux de tous les trafics ?

Les ports de Djibouti ont longtemps été soupçonnés d’être impliqués dans des activités illicites, notamment le trafic d’armes, le blanchiment d’argent et la contrebande de pétrole. Le détroit de Bab el-Mandeb, situé à proximité, est un point de passage crucial pour le commerce maritime mondial, mais il est également connu pour être une zone de contrebande et de piraterie.

Le courrier du président des ports de Djibouti SA ne mentionne pas explicitement ces activités illicites, mais les pratiques opaques et les accusations de clientélisme qu’il soulève pourraient faciliter de telles activités. Par exemple, l’externalisation des activités de manutention à des sociétés non réglementées et les processus de sélection opaques pourraient offrir des opportunités pour des trafics illicites.

De plus, des rapports internationaux ont accusé Djibouti d’être un point de transit pour le trafic d’armes en provenance d’Iran et à destination de groupes armés comme les Houthis au Yémen. Des entreprises djiboutiennes auraient également été impliquées dans le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment pour des groupes comme Al-Shabaab en Somalie.

Les ports de Djibouti, un hub pour les trafics illicites sous l’ère Guelleh.

(Publication de Wikileaks du 4 janvier 2010: GENERAL PETRAEUS’ MEETING WITH SALEH ON SECURITY ASSISTANCE, AQAP STRIKES –  Cable: 10SANAA4_a)

Les ports de Djibouti, situés à un carrefour stratégique entre la mer Rouge et l’océan Indien, sont au cœur d’allégations de trafics illicites impliquant le président Ismail Omar Guelleh. Selon des révélations issues de discussions diplomatiques, l’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh a explicitement accusé Djibouti d’être une source majeure de contrebande. Il a notamment mentionné l’interception de quatre conteneurs de TNT en provenance de Djibouti, soulignant la gravité du problème. Saleh a ironiquement déclaré qu’il ne se souciait pas que Guelleh fasse entrer du whisky en contrebande au Yémen, mais a insisté sur le fait que le trafic de drogue et d’armes était inacceptable.

Ces allégations corroborent les inquiétudes internationales concernant l’utilisation des ports djiboutiens pour des activités illicites. Les passeurs, selon Saleh, soudoyaient les autorités frontalières saoudiennes et yéménites, facilitant ainsi ces trafics. Ces révélations mettent en lumière le rôle trouble de Djibouti dans la région, où les ports semblent servir à la fois les intérêts économiques du pays et les activités criminelles de certains acteurs, y compris au plus haut niveau de l’État.

4. Les ports djiboutiens servent-ils les intérêts des Houthis, Al-Shabaab et Dacish-Somalie ?

Les accusations selon lesquelles les ports de Djibouti servent les intérêts de groupes armés comme les Houthis, Al-Shabaab et Dacish-Somalie sont préoccupantes. Le courrier du président des ports de Djibouti SA ne mentionne pas directement ces groupes, mais les pratiques de gestion opaque et les allégations de clientélisme pourraient faciliter des activités illicites.

Des rapports internationaux ont suggéré que Djibouti est devenu un point de transit pour le trafic d’armes en provenance d’Iran et à destination des Houthis. En août 2020, une entreprise djiboutienne a été accusée d’avoir expédié 40 000 détonateurs électriques qui ont été retrouvés sur le marché noir dans des zones contrôlées par les Houthis. En mars 2021, la même entreprise a été appréhendée alors qu’elle transportait 225 tonnes de substances chimiques utilisées dans la fabrication d’explosifs.

En ce qui concerne Al-Shabaab et Dacish-Somalie, des entités liées à Djibouti auraient facilité le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pour ces groupes. Des individus liés au gouvernement djiboutien auraient également été impliqués dans la contrebande d’armes vers la Somalie, contournant l’embargo sur les armes décrétées par l’ONU.

Conclusion

Les ports de Djibouti, autrefois considérés comme des modèles de performance en Afrique subsaharienne, sont aujourd’hui confrontés à de sérieux défis. Les accusations de mauvaise gestion, de pratiques opaques et d’implication dans des activités illicites soulèvent des questions sur leur rôle dans la région. Le courrier du président des ports de Djibouti SA daté du 6 janvier 2025 et le rapport de la Banque mondiale sur l’Indice de performance des ports à conteneurs 2023 mettent en lumière des problèmes qui contribuent énormément à l’instabilité de la Corne de l’Afrique et de la Mer Rouge.

Hassan Cher

 

English translation of the article in French.

Red Sea/Horn of Africa: Djibouti’s Ports Under Fire for Allegations of Mismanagement, Illicit Trafficking, and Support for Armed Groups

1. Accusations and Evidence Mentioned in the Letter from the President of Djibouti’s Ports

The letter from the President of Djibouti’s Ports SA, addressed to the Director General of the Doraleh Multipurpose Port, raises several serious accusations that require particular attention.

Violation of Presidential Decree No. 2013-074/PRE 

The letter refers to the violation of Presidential Decree No. 2013-074/PRE, which approves the Shareholders’ Pact of Port de Djibouti SA. This accusation is based on Article 5.1(2) of the shareholders’ agreement, which stipulates that Port de Djibouti SA must establish rules and regulations for the management of port operations. The Director General is accused of failing to comply with these regulations, raising concerns about his conduct and the compliance of port operations.

Opaque Management and Unregulated Outsourcing 

The letter also accuses the port’s management of relying on the outsourcing of handling activities to unregulated companies, selected through opaque processes. This results in high costs for clients, contradicting the port’s strategic objectives. For example, clients are charged $11.50 per ton for a short handling distance, while the cost of road transport over a much longer distance is relatively lower.

Unapproved Equipment Purchases

Another significant accusation is the purchase of handling equipment for over 160 million DJF, carried out without the approval of the board of directors and without a tendering process. This constitutes a violation of established management standards and raises questions about the transparency and integrity of financial decisions within the port.

Impact on Port Operations

The letter highlights that mismanagement has negatively impacted the port’s operational efficiency. It is mentioned that, despite substantial investments in modern equipment, most handling equipment has been destroyed within just seven years of operation. This indicates poor management and a lack of adequate oversight of resources.

Favoritism in Berthing Operations 

Finally, the letter denounces favoritism in ship berthing operations, where the usual “first come, first served” policy has been ignored. This has led to preferential treatment that undermines fairness and transparency, which are essential for the proper functioning of a port.

In conclusion, the accusations outlined in the letter from the President of Djibouti’s Ports SA are serious and supported by tangible evidence, highlighting shortcomings in the management and governance of port operations. The combination of regulatory violations, opaque practices, and favoritism raises concerns about the port’s future and its reputation on the international stage.

2. Does the Letter Corroborate the Contents of the 2023 Container Port Performance Index Report?

The World Bank’s 2023 Container Port Performance Index (CPPI) ranks Djibouti’s port at 379th place globally, a dramatic drop from its 26th place in 2022. This ranking is based on criteria such as ship turnaround time, operational efficiency, and overall port productivity. The report notes that African ports, with the exception of a few like Tanger Med and Port Said, generally perform poorly in terms of time management and efficiency.

The accusations made by the President of Djibouti’s Ports SA appear to corroborate the findings of the World Bank report. Poor management of berthing operations, excessive delays, and favoritism mentioned in the letter align with Djibouti’s low performance in the CPPI ranking. Additionally, the World Bank report highlights issues of congestion and operational inefficiency, which are also referenced in the letter.

However, the Djiboutian government has strongly contested the report’s conclusions, claiming that the data used is erroneous and does not reflect on-the-ground realities. It emphasizes that quay productivity increased by 30% between 2022 and 2023 and that the port has invested in modern equipment to improve performance. Despite these claims, the dramatic drop in the CPPI ranking suggests persistent structural issues, and the letter from the President of Djibouti’s Ports SA, dated January 6, 2025, sheds light on serious accusations regarding the management of Djibouti’s ports.

3. Have Djibouti’s Ports Become Hubs for Illicit Trafficking?

Djibouti’s ports have long been suspected of involvement in illicit activities, including arms trafficking, money laundering, and oil smuggling. The Bab el-Mandeb Strait, located nearby, is a crucial passage for global maritime trade but is also known as a zone for smuggling and piracy.

The letter from the President of Djibouti’s Ports SA does not explicitly mention these illicit activities, but the opaque practices and accusations of favoritism it raises could facilitate such activities. For example, the outsourcing of handling activities to unregulated companies and opaque selection processes could create opportunities for illicit trafficking.

Moreover, international reports have accused Djibouti of being a transit point for arms shipments from Iran to armed groups like the Houthis in Yemen. Djiboutian companies have also allegedly been involved in money laundering and financing terrorism, particularly for groups like Al-Shabaab in Somalia.

Djibouti’s Ports: A Hub for Illicit Trafficking Under Guelleh’s Era

(Publication from Wikileaks dated January 4, 2010: GENERAL PETRAEUS’ MEETING WITH SALEH ON SECURITY ASSISTANCE, AQAP STRIKESCable: 10SANAA4_a

Djibouti’s ports, located at a strategic crossroads between the Red Sea and the Indian Ocean, are at the center of allegations of illicit trafficking involving President Ismail Omar Guelleh. According to revelations from diplomatic discussions, former Yemeni President Ali Abdullah Saleh explicitly accused Djibouti of being a major source of smuggling. He notably mentioned the interception of four containers of TNT originating from Djibouti, highlighting the severity of the problem. Saleh ironically stated that he did not mind if Guelleh smuggled whiskey into Yemen—provided it was good whiskey—but insisted that drug and arms trafficking were unacceptable.

These allegations corroborate international concerns about the use of Djibouti’s ports for illicit activities. According to Saleh, smugglers bribed both Saudi and Yemeni border officials, facilitating these trafficking operations. These revelations shed light on Djibouti’s troubling role in the region, where the ports appear to serve both the country’s economic interests and the criminal activities of certain actors, including those at the highest levels of the state.

4. Do Djibouti’s Ports Serve the Interests of the Houthis, Al-Shabaab, and Dacish-Somalia?

The accusations that Djibouti’s ports serve the interests of armed groups like the Houthis, Al-Shabaab, and Dacish-Somalia are concerning. The letter from the President of Djibouti’s Ports SA does not directly mention these groups, but the opaque management practices and allegations of favoritism could facilitate illicit activities.

International reports have suggested that Djibouti has become a transit point for arms shipments from Iran to the Houthis. In August 2020, a Djiboutian company was accused of shipping 40,000 electric detonators that were found on the black market in Houthi-controlled areas. In March 2021, the same company was apprehended while transporting 225 tons of chemicals used in the manufacture of explosives.

Regarding Al-Shabaab and Dacish-Somalia, entities linked to Djibouti are alleged to have facilitated money laundering and terrorism financing for these groups. Individuals connected to the Djiboutian government have also reportedly been involved in arms smuggling to Somalia, bypassing the UN arms embargo.

Conclusion

Djibouti’s ports, once considered models of performance in sub-Saharan Africa, now face serious challenges. Allegations of mismanagement, opaque practices, and involvement in illicit activities raise questions about their role in the region. The letter from the President of Djibouti’s Ports SA dated January 6, 2025, and the World Bank’s 2023 Container Port Performance Index report highlight issues that significantly contribute to the instability of the Horn of Africa and the Red Sea.

Hassan Cher

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared