Éthiopie. La tentation chinoise inquiète les chancelleries occidentales
Depuis quelques années l’Éthiopie et la Chine ont tissé des relations politiques et économiques étroites. Un partenariat qui sert les objectifs du régime éthiopien mais qui inquiète les chancelleries occidentales.
Correspondance à Addis-Abeba. Il y a quelques semaines, le Premier ministre Chinois Li Keqiang entamait en grande pompe à Addis Abeba sa tournée africaine. L’occasion pour lui de renforcer le partenariat privilégié que la Chine entretient avec l’Éthiopie, pays qui accueille le siège de l’Union africaine et qui est perçu comme stratégique dans l’expansion chinoise en Afrique. La couverture médiatique de cette visite par la presse éthiopienne, qui mettait l’accent sur la signature des nombreux accords économiques, montre bien l’importance, côté éthiopien, de la coopération économique dans ces relations. Cette coopération est particulièrement importante dans les secteurs de la construction et des infrastructures. En effet, la Chine finance, sous forme de prêts, des projets de grande ampleur, qui sont réalisés par des entreprises d’État chinoises. Plusieurs projets sont en cours : la construction d’un tramway dans la capitale, une ligne ferroviaire entre Addis Abeba et Djibouti et de nombreuses routes et des barrages dans tout le pays.
Une plus grande marge de manœuvre pour le régime
Cette coopération économique participe directement au développement de l’économie éthiopienne, qui a connu des taux de croissance avoisinant les 10 % ces cinq dernières années. Grâce à ce partenaire, le régime peut mettre en œuvre sa stratégie de développement, visant à attirer les investisseurs étrangers en développant les infrastructures. Or, la réalisation de ces plans de développement constitue pour le Parti au pouvoir un impératif, car sa légitimité (sur le plan national et international) repose avant tout sur sa capacité à pérenniser la croissance. Par ailleurs, cette coopération permet à l’Éthiopie de diversifier ses sources de financement et de ne pas dépendre uniquement de l’aide occidentale. Cet aspect est important pour ce régime autoritaire, qui peut ainsi jouer de son partenariat avec la Chine pour limiter les pressions des donneurs occidentaux (notamment en ce qui concerne le respect des droits de l’homme) et jouir d’une plus grande marge de manœuvre politique.
Bouleversement du jeu diplomatique
De ce fait, le renforcement des relations sino-éthiopiennes inquiète les chancelleries occidentales. En privé, les diplomates témoignent de la diminution de leur pouvoir de pression sur le régime éthiopien, qui craint moins qu’auparavant une éventuelle suspension de l’aide. D’autre part, les principaux bailleurs de fonds (au premier rang desquels les Européens) éprouvent de plus en plus de difficultés à imposer leurs conditions à un régime qui n’hésite pas à se montrer directif avec eux. Néanmoins, pour ces derniers, se retirer de ce pays qui reste associé à la grande pauvreté serait dommageable en termes d’image. De plus, l’Éthiopie reste un allié stratégique dans une région troublée par l’islamisme et la violence. Les élites politiques éthiopiennes connaissent bien ces différents paramètres et savent se montrer habiles dans leurs relations avec les puissances, afin d’utiliser cette situation à leur avantage.
Romain Calvary
De letelegramme.fr
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