Djibouti/Chine : un échange volontaire d’une base navale militaire contre des avantages financiers et l’appui d’un régime pérenne à Djibouti.

Djibouti/Chine : un échange volontaire d’une base navale militaire contre des avantages financiers et l’appui d’un régime pérenne à Djibouti.

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La République populaire de Chine (RPC) avait mis en place un « piège de la dette » en prêtant intentionnellement au Sri Lanka plus que ce qu’il pouvait rembourser, dans l’espoir de saisir éventuellement le port (China Brief, 5 janvier 2019). Le sous-texte était qu’avec un bail en main, la RPC pouvait utiliser le port comme une installation navale destinée à patrouiller les voies de navigation de l’océan Indien.

Djibouti, où la RPC a établi sa seule base militaire d’outre-mer à ce jour, permet de comprendre comment cela s’est produit.

La plupart des pays ne sont pas intéressés à accueillir des troupes étrangères, mais Djibouti est une exception. Avec peu de ressources naturelles, de terres arables ou de population, il a peu d’avantages économiques autres que sa situation à un important point d’étranglement maritime. Il a capitalisé sur sa situation en partie grâce aux revenus des armées étrangères, dont six y avaient stationné des forces avant l’arrivée de la Chine. Les six pays ont négocié l’accès à Djibouti avec l’un des deux dirigeants de l’après-indépendance : l’actuel président Ismail Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999, ou son prédécesseur (et oncle) Hassan Gouled Aptidon. Une telle concentration du pouvoir a permis au gouvernement djiboutien de gérer plus facilement les inévitables objections internes aux bases étrangères, mais il n’a pas toujours été bien accueilli par de nombreux investisseurs internationaux.

Cela a changé avec l’arrivée de la Chine. Inspirée par sa propre expérience dans la construction de pôles d’activités économiques sur son territoire, la RPC a fait un grand pari sur Djibouti en tant que centre logistique, en commençant par des accords pour la construction d’un chemin de fer électrifié vers l’Éthiopie voisine et enclavée (2011), d’un pipeline d’eau (2011), et d’un nouveau port maritime (2013) (CNA, 1er juillet 2017). La construction du port n’était pas encore terminée quand, en janvier 2016, le ministère des Affaires étrangères de la RPC a annoncé qu’une installation navale serait construite à côté du nouveau port (ministère des Affaires étrangères de la RPC, 21 janvier 2016). Le groupe d’infrastructures était principalement soutenu par la dette de la Banque d’import-export de Chine (China Exim), et Djibouti a en effet eu du mal à la rembourser depuis l’ouverture du port en mai 2017 (FMI, 6 avril 2017 ; ministère du Commerce de la RPC, 25 mai 2017). Cependant, le problème de la dette de Djibouti n’est survenu qu’après avoir accepté une base chinoise. Ce n’était pas un « piège », mais un échange volontaire de crédits bancaires et d’autres avantages aux barons du régime djiboutien contre un accès naval.

L’histoire de la base navale chinoise à Djibouti.

Le président de la République de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, est arrivé au pouvoir le 9 avril 1999 grâce à l’appui de son oncle, Hassan Gouled Aptidon, qui l’a placé à la tête de cette nation au détriment d’autres grands politiciens plus compétents et plus chevronnés que son neveu Guelleh.

Connu pour son implication dans les terrorismes, trafics d’armes, trafics de drogues et la corruption à grande échelle dans le pays, la population djiboutienne n’ont jamais accepté la présidence d’Ismaël Omar Guelleh. Sachant qu’il est détesté par son peuple et mal vu par des institutions occidentales en raison de ses activités économiques illégales, Guelleh commence à mamasaniser (placer à tous les postes stratégiques de l’état des personnes moins instruites afin d’avoir un contrôle total sur l’appareil de l’état) l’appareil étatique afin d’avoir un contrôle total au niveau national et établit des accords économiques, militaires et sécuritaires avec le TPLF de l’Éthiopie via le Premier ministre, feu Meles Zenawi. Ainsi, pour que son régime bénéficie de la protection régionale, Guelleh se donne âme et corps à Meles Zenawi.

De l’autre côté, la Chine et l’Éthiopie ont progressivement mis en place depuis 1995 des relations très étroites. L’établissement de ce partenariat a été motivé de part et d’autre par des considérations autant diplomatiques et stratégiques, qu’économiques, voire idéologiques. Alors que la Chine est accusée de n’investir en Afrique que dans les infrastructures pour endetter les états partenaires, en Éthiopie, c’est le secteur industriel qui attire les entreprises du géant asiatique. Plusieurs projets d’envergure ont été annoncés, tous dans le secteur de l’industrie et du bâtiment.

Pour protéger ses énormes investissements et les va-et-vient des bateaux chinois entre les ports de Djibouti, point maritime d’entrée de l’Éthiopie, Pékin a pensé créer une base militaire dans la région de la corne de l’Afrique ou à Oman. Feu le premier ministre de l’Éthiopie, Meles Zenawi, a fait savoir aux Chinois qu’il avait la solution pour eux. Il a fait savoir à Pékin qu’il avait dans la main le président de Djibouti, Ismael Omar Guelleh, un affairiste disposé à vendre son âme au diable quand il est question de l’argent facilement gagné.

Ainsi le projet de la base navale chinoise à Djibouti prend forme.

En échange de l’installation de la première base militaire chinoise à l’étranger, Ismael Omar Guelleh demande plusieurs avantages pour lui et les barons de son régime :

  • Des milliards de dollars d’investissements et des dettes dont 60 % finiront dans les poches des barons du régime,
  • L’octroi à sa famille et certains ministres de l’exclusivité de la commercialisation des produits Huawei et du 5G dans la corne de l’Afrique,
  • L’appui inconditionnel au niveau international et surtout devant la pression des institutions occidentales,
  • L’appui technique et militaire pour la pérennité de son régime,
  • livraison à Guelleh des matériaux d’espionnage de haute technologie
  • Et si possible un accord de défense militaire comparable à celui signé avec la France lors de l’indépendance,
  • Etc.

Pour ne pas inquiéter les forces militaires occidentales stationnées à Djibouti, USA — France-Japon-Italie, le 25 février 2014, les ministres de la Défense de Chine et de Djibouti, le général Chang Wanquan et Darar Houffaneh, signent un accord de partenariat stratégique autorisant la Marine militaire chinoise à utiliser un port déjà existant.

Au mois de mai 2015, le président Ismail Omar Guelleh a annoncé que des négociations étaient en cours pour construire une base navale chinoise dans son pays. Le 21 janvier 2016, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei, confirmait que les discussions avaient été conclues entre Guelleh et e président Xi lors de son voyage à Johannesburg, au sommet du Forum de coopération sino-africain.

Le 1er août 2017, la Chine a inauguré sa première base militaire outre-mer à Djibouti, sur le rivage occidental du détroit de Bad-el-Mandeb.

La métamorphose de la base chinoise à Djibouti.

La Chine va disposer d’une base « logistique navale » à Djibouti opérationnelle « en principe d’ici fin 2017 », a annoncé vendredi 4 décembre 2015 le ministre des Affaires étrangères  de Djibouti : https : //youtu.be/lajVS6pE5zk

La première base militaire de la Chine à l’étranger, à Djibouti, dans l’état de l’Afrique de l’Est, est un méga forteresse en construction depuis quelques années maintenant.
La base principale est maintenant terminée, avec un héliport, un dépôt de munitions et un système automatisé d’approvisionnement en chaîne. Mais à présent, la marine de l’armée de libération du peuple (PLAN) tente de construire sept jetées au nord-ouest de la base, dont une réservée à l’usage exclusif de la marine avec des quais pouvant accueillir les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de type 094 [ou classe Jin].

Les manœuvres militaires autour de Taïwan, la tension en mer de Chine méridionale, les tensions avec l’inde dans la région de Ladakh et l’accord diplomatique entre Taipei et la Somaliland ont rendu la Force navale chinoise très agressive.

Après les tensions militaires dans les vallées du Galwan au Ladakh oriental, la position avancée de la marine indienne a contraint à trois navires de guerre de l’APL de Chine de retourner dans les eaux  du golfe d’Aden, au large des côtes de Djibouti, et à trois autres navires de guerre de sortir par le détroit de Malacca pour rejoindre leur base d’attache. « Un navire de guerre chinois qui entrait par l’Indonésie en direction de l’océan Indien a également fait demi-tour, car les forces indiennes étaient parfaitement préparées à toute éventualité », a déclaré — cette semaine — un commandant supérieur de la marine indienne.

La route de soie et sa face cachée.

La nouvelle route de la soie ou la Ceinture et la Route (One Belt, One Road) est à la fois un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine, l’Asie, le moyen orient, l’Afrique de l’Est et l’Europe.

Ce projet, au début économique, semble prendre une dimension militaire avec les renforcements des bases navales de l’armée populaire de libération de la Chine à Djibouti et en Sri Lanka

la base navale logistique de l’armée populaire de libération de la Chine à Djibouti  semble muter, après trois ans d’existence, en base navale de guerre !

Hassan Cher


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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared