Erythrée : l’ONU pointe le doigt sur Asmara pour violations graves…
Disparitions forcées, détentions arbitraires et torture ne constituent qu’une partie des violations dont l’Erythrée est accusée dans un rapport publié lundi par l’ONU sur l’état des droits de l’homme dans ce pays.
Des diplomates réunis au Conseil des Nations unies pour les droits de l’homme à Genève ont condamné la répression brutale des droits humains fondamentaux par un pouvoir autocratique isolé et dénoncé l’exode du pays provoqué par la privation des libertés.
Le représentant des États-Unis Peter Mulrean a dénoncé « des violations répétées des droits humains et l’absence de perspective d’accès à une démocratie participative pour de nombreux Érythréens condamnés à fuir leur pays ».
Il se faisait l’écho de plusieurs des 70 membres du Conseil qui avaient participé au bilan quadriennal de l’Erythrée. Chacun des 193 membres de l’ONU doit faire l’objet tous les 4 ans d’un rapport sur l’état des droits de l’homme.
Le Chili a exigé avec d’autres pays que l’Erythrée enquête sur les disparitions. Le Danemark a déploré la faiblesse des efforts pour arrêter la torture tandis que l’Estonie a dénoncé le peu de cas qui était fait de la liberté d’expression.
Tesfamichael Gerahtu, ambassadeur de l’Erythrée en Grande-Bretagne, a rejeté ces accusations, estimant que s’il y avait quelque chose qui menaçait les droits de l’homme dans son pays c’étaient « les sanctions injustifiées » imposées à l’Erythrée par la communauté internationale.
Il a estimé que la « litanie d’accusations de violations grossières des droits de l’homme » à l’encontre de l’Erythrée était due surtout à des raisons politiques.
Reporters sans Frontières (RSF) a placé l’Erythrée au dernier rang de son classement mondial en matière de liberté de la presse. Tesfamichael Gerahtu a cependant assuré qu' »il n’y a pas de censure des médias en Erythrée ».
Les dix journalistes et onze membres de l’opposition arrêtés en 2001 « n’ont pas été détenus parce qu’ils exprimaient leurs idées (mais) pour trahison », a-t-il affirmé. Beaucoup d’entre eux sont morts en détention, d’autres sont toujours détenus dans des lieux tenus secrets.
« J’aurais voulu qu’il y ait un détecteur de mensonges. C’est une mascarade », s’est indigné le journaliste et écrivain érythréen en exil Dessale Berekhet Abraham auprès de l’AFP après avoir assisté au Conseil.
Mais « que pouvait-il dire d’autre s’il veut retourner en Erythrée ? », a ajouté le journaliste qui vit désormais en Norvège et affirme bien connaître M. Gerahtu pour l’avoir eu comme enseignant dans son pays d’origine.
M. Gerahtu a appelé les diplomates de l’ONU à concentrer leur attention sur les progrès réalisés par l’Erythrée dans des domaines comme la réduction de la mortalité maternelle et infantile, la lutte contre le sida et une loi de 2007 interdisant la mutilation sexuelle des femmes.
Il a affirmé que l’Erythrée organiserait ses premières élections démocratiques depuis son indépendance de l’Ethiopie en 1993 et appliquerait la Constitution de 1997 une fois que les menaces contre sa « sécurité nationale » seraient dissipées.
Pour le représentant de la Grande-Bretagne, « la situation sécuritaire de l’Erythrée ne justifie pas et n’a jamais justifié le déni des droits humains de base à son peuple ».
Ce n’est que lorsque le pays aura un gouvernement démocratiquement désigné et une Constitution assurant les droits élémentaires que « les Erythréens cesseront de fuir » leur pays, a-t-il ajouté.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recensé plus de 300.000 réfugiés érythréens dans les pays voisins de l’Erythrée, dont plusieurs milliers d’habitants s’enfuient chaque mois, souvent dans des conditions très dangereuses.
La plupart des quelque 300 migrants morts noyés en octobre au large de Lampedusa, en Italie, étaient érythréens ou somaliens.
© 2014 AFP