Longtemps, l’Afrique a dépendu de technologies développées à l’étranger. Mais un système kényan de transfert d’argent par téléphonie mobile, qui a révolutionné la vie quotidienne de millions d’habitants de ce pays d’Afrique de l’Est, part à la conquête de l’Europe.
Le système M-Pesa («M» pour mobile, «Pesa» signifiant «argent» en langue swahili), qui permet, via un simple téléphone mobile, d’envoyer et de recevoir de l’argent, et de payer biens et services, s’implante désormais en Roumanie.
«De l’Afrique de l’Est à l’Europe de l’Est, c’est quand même phénoménal quand on y pense», explique à Nairobi Michael Joseph, qui dirige le secteur «argent mobile» de Vodafone.
Le géant britannique de la téléphonie est l’actionnaire principal (40% des parts) de Safaricom, premier opérateur mobile kényan, et a participé à la conception et au lancement en 2007 de M-Pesa au Kenya.
«Je pense que c’est quelque chose que le reste du monde peut regarder en se disant qu’il y a des idées qui peuvent émaner du monde en développement et être amenées vers le monde développé», a-t-il ajouté.
Depuis son lancement, le service a connu une croissance exponentielle et a vu transiter 30 milliards d’euros, rien qu’au Kenya, où il est désormais partie intégrante de la vie quotidienne de nombreuses personnes.
M-Pesa compte quelque 18 millions de clients – sur une population d’environ 25 millions d’habitants de plus de 15 ans – et huit millions de transactions y sont effectuées chaque jour, qui contournent le système bancaire dans un pays où une partie non négligeable de la population ne dispose pas de compte en banque.
– Facture d’eau et taxi –
L’application, utilisable sur les modèles de téléphones portables les plus simples, permet de régler ses factures d’eau ou d’électricité, de payer une addition dans un restaurant, une consommation dans un bar ou une course en taxi, mais aussi d’envoyer de l’argent à ses amis ou ses proches.
La somme minimale est de 8 centimes d’euros seulement, la maximale de 600 euros. Un maximum de 1.200 euros de transactions journalières est autorisé par M-Pesa.
Le destinataire de l’argent peut conserver la somme sur son compte M-Pesa et l’utiliser ensuite pour payer à son tour un bien ou un service, ou retirer le montant en liquide chez l’un des nombreux agents répartis à travers le pays, avec simplement son téléphone et une pièce d’identité.
Chez ces agents – échoppes ou petits kiosques – on peut aussi déposer de l’argent pour créditer son compte M-Pesa. Leur nombre à travers le pays est l’une des clés du succès.
Certains commerçants ou supermarchés acceptent également de donner du liquide contre l’envoi de la somme correspondante par M-Pesa.
Une version «épargne» a également été lancée, permettant aux Kényans n’ayant pas accès au système bancaire d’engranger des intérêts sur leur compte M-Pesa.
Le système a depuis été exporté ailleurs en Afrique – en Tanzanie voisine, mais aussi en Afrique du Sud, en Egypte, au Lesotho, au Mozambique, en République démocratique du Congo – ainsi qu’en Inde et à Fidji. Selon Vodafone, plus de 1,2 milliard de dollars sont échangés via M-Pesa chaque mois à travers le monde.
En mars dernier M-Pesa a été lancé dans un premier pays européen, la Roumanie, où un millier de points de distribution sont déjà ouverts à travers le pays, un nombre censé tripler d’ici la fin de l’année.
Chez l’un des détaillants de Bucarest, Michi Carstoiu vient d’activer son compte. Selon lui, M-Pesa est un complément idéal aux services bancaires en ligne. «Le plus important est que je gagne du temps. En plus je crois que les frais sont moins importants», explique cet ingénieur à l’AFP.
«Tout le monde a un téléphone mobile et il est très simple d’envoyer et de recevoir de l’argent ou d’effectuer des paiements», ajoute-t-il.
Selon Michael Joseph, la Roumanie a été choisie comme rampe de lancement européenne car de nombreux Roumains sont toujours tributaires de l’argent liquide.
«La majorité des habitants en Roumanie a au moins un téléphone mobile, mais plus d’un tiers n’a pas accès au système bancaire», souligne-t-il.
Vodafone estime à sept millions le nombre de clients potentiels et en espère 300.000 d’ici fin 2014. Les Roumains pourront effectuer jusqu’à 9.000 dollars de transactions quotidiennes.
Pourtant, s’attaquer aux marchés occidentaux représente de nouveaux défis: les réglementations – notamment bancaires – sont différentes et les consommateurs ont déjà accès à de multiples services financiers, notamment en ligne.