Djibouti/AUSSOM/Éthiopie/Somalie : Guelleh exerce une pression sur le président somalien pour que les membres de l’IGAD prennent la direction de l’AUSSOM.
Les échecs de Guelleh au cours du Forum Afrique-Chine de septembre 2024
Le président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, a tenté de se positionner en tant que médiateur dans la crise somalo-éthiopienne lors du Forum Afrique-Chine du 4-6 septembre 2024. Cependant, cette tentative s’est soldée par un échec retentissant. Guelleh a cherché à utiliser la médiation entre la Somalie et l’Éthiopie comme une opportunité pour se repositionner en tant qu’acteur clé de la diplomatie régionale, en particulier en essayant d’impliquer la Chine dans le processus.
Il espérait que l’intervention de la Chine en tant que médiateur dans ce conflit permettrait de renforcer les relations sino-djiboutiennes tout en affaiblissant le rôle de la Turquie, qui avait déjà pris la tête des négociations. Cependant, cette manœuvre s’est révélée contre-productive. Lorsque le président somalien Hassan Sheikh Mohamoud a refusé de répondre à ses appels téléphoniques répétés et que les autorités chinoises ont découvert ses véritables intentions, Guelleh a perdu toute crédibilité. Son plan de discréditer les efforts de médiation de la Turquie a échoué, entraînant une humiliation publique. Cette série d’échecs a également affecté sa santé, avec des rapports faisant état de détériorations importantes à son retour précipité à Djibouti.
Qui a décidé la création de l’AUSSOM et pourquoi ?
La création de l’AUSSOM (Mission de Soutien et de Stabilisation de l’Union Africaine en Somalie) a été décidée lors de la 1225e session du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS), le 1er août 2024. L’objectif principal de cette mission est de succéder à l’ATMIS (Mission de Transition de l’Union Africaine en Somalie), dont le mandat prend fin le 31 décembre 2024. La mission AUSSOM vise à continuer à stabiliser la Somalie en période post-conflit et à lutter contre les groupes armés, en particulier Al-Shabaab.
La décision de créer l’AUSSOM a été motivée par la nécessité de garantir une transition sécuritaire efficace en Somalie, après des années de présence militaire internationale sous l’ATMIS. De nombreux acteurs régionaux, dont l’Éthiopie, l’Égypte, l’Érythrée et Djibouti ont montré leur intérêt à jouer un rôle dans cette mission, bien que ces intentions aient suscité des tensions en raison des rivalités géopolitiques régionales.
Pourquoi la réunion tripartite d’Asmara dérange-t-elle Guelleh ?
La réunion tripartite d’Asmara, qui a eu lieu le 10-11 octobre 2024 entre la Somalie, l’Égypte et l’Érythrée, a profondément dérangé Ismaël Omar Guelleh. Djibouti a été exclu de cette rencontre, ce qui a exacerbé les tensions entre Ismael Omar Guelleh et le président somalien Hassan Sheikh Mohamoud. Les liens entre ce dernier et le président érythréen, Isaias Afwerki, sont devenus un point de préoccupation majeure pour Ismael Omar Guelleh. Historiquement, Djibouti et l’Érythrée entretiennent des relations tendues, en grande partie à cause de différends territoriaux non résolus. Voir la Somalie, un voisin clé, se rapprocher de l’Érythrée affaiblit la position de Guelleh dans la région.
De plus, la présence de l’Érythrée à ce sommet a intensifié les inquiétudes de Guelleh. Cette alliance entre la Somalie, l’Égypte et l’Érythrée menace de marginaliser Djibouti et l’IGAD sur la scène diplomatique régionale.
Est-ce que Djibouti ou les pays frontaliers avec la Somalie feront partie de l’AUSSOM ?
Djibouti, un contributeur historique aux missions de maintien de la paix en Somalie, cherche à jouer un rôle clé dans l’AUSSOM. Cependant, les tensions croissantes entre Djibouti et la Somalie, exacerbées par l’implication de l’Égypte et de l’Érythrée, compliquent cette perspective. Djibouti a officiellement exprimé son soutien à la mission, mais la Somalie insiste sur la souveraineté de ses décisions concernant les partenaires militaires de cette nouvelle mission, ce qui pourrait limiter l’influence d’Ismael Omar Guelleh et l’IGAD sur le terrain.
Quant à l’Éthiopie, bien qu’elle ait été un acteur central dans la mission ATMIS, son rôle dans l’AUSSOM reste incertain en raison de ses différends avec la Somalie, notamment après le Mémorandum d’Entente maritime (MoU) signé avec le Somaliland le 1er janvier 2024. Ce différend pourrait empêcher l’Éthiopie de participer pleinement à la mission AUSSOM sans provoquer de nouvelles tensions régionales.
Pourquoi Ismaël Omar Guelleh met-il la pression sur Hassan Sheikh Mohamoud pour que l’Éthiopie soit membre de l’AUSSOM ?
Ismaël Omar Guelleh exerce une pression sur Hassan Sheikh Mohamoud pour inclure l’Éthiopie dans la nouvelle mission AUSSOM pour plusieurs raisons. Premièrement, l’Éthiopie est historiquement un partenaire militaire clé pour Djibouti dans la Corne de l’Afrique. Bien qu’il est le président de la République de Djibouti, Ismael Omar Guelleh est originaire de l’Éthiopie et il se considère plus éthiopien que djiboutien. En soutenant la participation de l’Éthiopie à l’AUSSOM, Guelleh espère servir aussi son deuxième pays, l’Éthiopie, et maintenir un équilibre de pouvoir qui limite l’influence croissante de l’Égypte et de l’Érythrée dans la région.
Deuxièmement, Djibouti a tout intérêt à ce que l’Éthiopie, qui partage une frontière longue et poreuse avec la Somalie, soit activement impliquée dans les efforts de stabilisation de ce pays.
Comment la position ferme de la Somalie agace-t-elle Guelleh et détériore sa santé ?
Les récentes manœuvres diplomatiques de la Somalie, en particulier son rapprochement avec l’Égypte et l’Érythrée, ont mis une pression considérable sur Ismaël Omar Guelleh. Ces tensions croissantes, combinées aux échecs successifs de ses stratégies régionales, notamment lors du Forum Afrique-Chine, ont affecté la santé du président djiboutien. À son retour précipité de Chine après son humiliation diplomatique à Pékin, Guelleh a montré des signes de fatigue extrême et de stress, qui ont été suivis de plusieurs malaises. Des rapports suggèrent qu’il a été évacué médicalement en France, le 19 septembre 2024, en raison de complications de santé liées à cette détérioration.
Le soir du 20 octobre 2024, Hassan Sheikh Mohamoud, président de la République fédérale de Somalie, est arrivé à Djibouti à l’invitation d’Ismaël Omar Guelleh. Le matin du 21 octobre 2024, Guelleh a reçu son homologue somalien à la présidence de Djibouti et a exprimé ses inquiétudes sur trois points : 1) l’alliance tripartite entre Asmara, Le Caire et Mogadiscio ; 2) le fait que l’Éthiopie ne fasse pas partie de l’AUSSOM ; 3) l’absence de rôle pour l’IGAD dans l’AUSSOM. En réponse, le président somalien a clairement fait savoir à Guelleh que : 1) Mogadiscio s’allie avec tout pays respectant sa souveraineté et sa politique ; 2) il rejetait les tentatives de Guelleh d’inclure l’Éthiopie dans l’AUSSOM ; 3) il voyait l’IGAD comme un partenaire, mais non comme le décideur pour la Somalie.
L’après-midi du 21 octobre 2024, dès que Hassan Sheikh Mohamoud a quitté Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, visiblement affecté par les réponses de son homologue somalien, a été victime d’un malaise profond assimilé à un coma. Cette situation a vivement inquiété ses proches, qui se sont rassemblés à sa résidence de Haramous, prêt à organiser une évacuation médicale vers la France en cas de détérioration de son état de santé.
Après le revers diplomatique subi le 4 septembre 2024 lors du Forum Afrique-Chine à Pékin, Hassan Sheikh Mohamoud a infligé une seconde défaite à Ismaël Omar Guelleh ce 21 octobre 2024. Cet épisode a conduit certains Somaliens à affirmer que Hassan Sheikh Mohamoud pratiquerait un rituel religieux, appelé « Asraar », avant de rencontrer Guelleh, pour contrer les puissants fétiches censés être reçus par ce dernier des Djinns (Xasaa, Basaa, Shaasir et Baasir).
Quelle est la réponse du ministère des Affaires étrangères de la Somalie à Ismaël Omar Guelleh au sujet de l’AUSSOM ?
Le ministère des Affaires étrangères de la Somalie a réaffirmé avec fermeté sa position sur la mission AUSSOM, insistant sur la nécessité de respecter la souveraineté somalienne dans la sélection des partenaires militaires. Le 21 octobre 2024, suite au passage de Hassan Sheikh Mohamoud, président de la Somalie, à Djibouti sur invitation d’Ismael Omar Guelleh, Mogadiscio a rejeté les tentatives d’Ismaël Omar Guelleh de promouvoir l’inclusion de l’Éthiopie, rappelant que les déploiements éthiopiens passés ont souvent conduit à une intensification des activités d’Al-Shabaab sans apporter de véritables solutions durables à la sécurité somalienne.
Dans une déclaration officielle publiée le 22 octobre 2024, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la Somalie a souligné que la décision concernant les pays contributeurs de troupes à l’AUSSOM doit être guidée par les intérêts nationaux somaliens et le respect de sa souveraineté. Cela marque une rupture claire, en particulier avec Djibouti et l’Éthiopie, et en général avec l’IGAD en soulignant que toute participation à l’AUSSOM devra être approuvée par Mogadiscio, en fonction des critères stricts de souveraineté et d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme.
En conclusion, l’influence autrefois considérable d’Ismaël Omar Guelleh dans la Corne de l’Afrique est aujourd’hui fragilisée par une série d’échecs diplomatiques, l’émergence des nouvelles alliances régionales et la révélation publique de ses manœuvres. L’ascension de l’alliance entre la Somalie, l’Égypte et l’Érythrée isole Djibouti et complique le rôle de l’IGAD dans l’AUSSOM, tandis que l’Éthiopie s’efforce de préserver sa position régionale malgré les tensions croissantes avec ses voisins.
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti/AUSSOM/Ethiopia/Somalia: Guelleh puts pressure on Somali president to take over IGAD leadership.
Guelleh’s failures at the September 2024 Africa-China Forum
The president of Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, attempted to position himself as a mediator in the Somali-Ethiopian crisis during the Africa-China Forum of 4-6 September 2024. However, this attempt was a resounding failure. Guelleh sought to use the mediation between Somalia and Ethiopia as an opportunity to reposition himself as a key player in regional diplomacy, in particular by trying to involve China in the process.
He hoped that China’s intervention as mediator in the conflict would strengthen relations between China and Djibouti while weakening the role of Turkey, which had already taken the lead in the negotiations. However, this manoeuvre proved counter-productive. When Somali President Hassan Sheikh Mohamoud refused to answer his repeated phone calls and the Chinese authorities discovered his true intentions, Guelleh lost all credibility. His plan to discredit Turkey’s mediation efforts failed, resulting in public humiliation. This series of failures also affected his health, with reports of significant deterioration on his hasty return to Djibouti.
Who decided to create AUSSOM and why?
The creation of AUSSOM (African Union Stabilisation and Support Mission in Somalia) was decided at the 1225th session of the African Union Peace and Security Council (PSC) on 1 August 2024. The main objective of this mission is to succeed ATMIS (African Union Transitional Mission in Somalia), whose mandate ends on 31 December 2024. The AUSSOM mission aims to continue to stabilise Somalia in the post-conflict period and to combat armed groups, in particular Al-Shabaab.
The decision to create AUSSOM was motivated by the need to ensure an effective security transition in Somalia, after years of international military presence under ATMIS. Many regional players, including Ethiopia, Egypt, Eritrea and Djibouti, have shown an interest in playing a role in this mission, although these intentions have caused tensions due to regional geopolitical rivalries.
Why is the tripartite meeting in Asmara upsetting Guelleh?
The tripartite meeting in Asmara, which took place on 10-11 October 2024 between Somalia, Egypt and Eritrea, deeply disturbed Ismaël Omar Guelleh. Djibouti was excluded from the meeting, which exacerbated tensions between Ismael Omar Guelleh and Somali President Hassan Sheikh Mohamoud.
The links between the latter and the Eritrean president, Isaias Afwerki, have become a major point of concern for Ismael Omar Guelleh. Historically, Djibouti and Eritrea have had strained relations, largely due to unresolved territorial disputes. Seeing Somalia, a key neighbour, move closer to Eritrea weakens Guelleh’s position in the region.
Moreover, Eritrea’s presence at the summit has intensified Guelleh’s concerns. This alliance between Somalia, Egypt and Eritrea threatens to marginalise Djibouti and IGAD on the regional diplomatic stage.
Will Djibouti or the countries bordering Somalia be part of AUSSOM?
Djibouti, a historic contributor to peacekeeping missions in Somalia, is seeking to play a key role in AUSSOM. However, growing tensions between Djibouti and Somalia, exacerbated by the involvement of Egypt and Eritrea, complicate this prospect. Djibouti has officially expressed its support for the mission, but Somalia insists on the sovereignty of its decisions regarding the military partners of this new mission, which could limit the influence of Ismael Omar Guelleh and IGAD on the ground.
As for Ethiopia, although it was a central player in the ATMIS mission, its role in AUSSOM remains uncertain due to its disputes with Somalia, particularly after the Maritime Memorandum of Understanding (MoU) signed with Somaliland on 1 January 2024. This dispute could prevent Ethiopia from participating fully in the AUSSOM mission without causing new regional tensions.
Why is Ismaël Omar Guelleh putting pressure on Hassan Sheikh Mohamoud for Ethiopia to join AUSSOM?
Ismaël Omar Guelleh is putting pressure on Hassan Sheikh Mohamoud to include Ethiopia in the new AUSSOM mission for several reasons. Firstly, Ethiopia is historically a key military partner for Djibouti in the Horn of Africa. Although he is President of the Republic of Djibouti, Ismael Omar Guelleh is originally from Ethiopia and considers himself more Ethiopian than Djiboutian. By supporting Ethiopia’s participation in AUSSOM, Guelleh hopes to also serve his second country, Ethiopia, and maintain a balance of power that limits the growing influence of Egypt and Eritrea in the region.
Secondly, Djibouti has a vested interest in seeing Ethiopia, which shares a long and porous border with Somalia, actively involved in efforts to stabilise that country.
How is Somalia’s tough stance annoying Guelleh and damaging his health?
Somalia’s recent diplomatic manoeuvres, in particular its rapprochement with Egypt and Eritrea, have put considerable pressure on Ismaël Omar Guelleh. These growing tensions, combined with the successive failures of his regional strategies, notably at the Africa-China Forum, have affected the health of the Djiboutian president. On his hurried return from China after his diplomatic humiliation in Beijing, Guelleh showed signs of extreme fatigue and stress, which were followed by several bouts of malaise. Reports suggest that he was medically evacuated to France on 19 September 2024 due to health complications related to this deterioration.
On the evening of 20 October 2024, Hassan Sheikh Mohamoud, President of the Federal Republic of Somalia, arrived in Djibouti at the invitation of Ismaël Omar Guelleh. On the morning of 21 October 2024, Guelleh received his Somali counterpart at the Djibouti presidency and expressed his concerns on three points: 1) the tripartite alliance between Asmara, Cairo and Mogadishu; 2) the fact that Ethiopia is not part of AUSSOM; 3) the lack of a role for IGAD in AUSSOM.
In response, the Somali president made it clear to Guelleh that: 1) Mogadishu would ally itself with any country that respected its sovereignty and policy; 2) he rejected Guelleh’s attempts to include Ethiopia in AUSSOM; 3) he saw IGAD as a partner, but not as the decision-maker for Somalia.
On the afternoon of 21 October 2024, as soon as Hassan Sheikh Mohamoud left Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, visibly affected by his Somali counterpart’s answers, fell into a deep malaise that could be likened to a coma. This situation was of great concern to his family, who gathered at his residence in Haramous, ready to organise a medical evacuation to France in the event of a deterioration in his state of health.
After the diplomatic setback suffered on 4 September 2024 at the Africa-China Forum in Beijing, Hassan Sheikh Mohamoud inflicted a second defeat on Ismaël Omar Guelleh on 21 October 2024. This episode led some Somalis to claim that Hassan Sheikh Mohamoud would perform a religious ritual, called ‘Asraar’, before meeting Guelleh, to counter the powerful fetishes supposedly received by the latter from the Djinns (Xasaa, Basaa, Shaasir and Baasir).
What is the Somali Ministry of Foreign Affairs’ response to Ismaël Omar Guelleh on the subject of AUSSOM?
The Somali Ministry of Foreign Affairs has firmly reaffirmed its position on the AUSSOM mission, insisting on the need to respect Somali sovereignty in the selection of military partners. On 21 October 2024, following the visit of Hassan Sheikh Mohamoud, President of Somalia, to Djibouti at the invitation of Ismael Omar Guelleh, Mogadishu rejected Ismael Omar Guelleh’s attempts to promote the inclusion of Ethiopia, pointing out that past Ethiopian deployments had often led to an intensification of Al-Shabaab activities without providing any real lasting solutions to Somali security.
In an official statement issued on 22 October 2024, Somalia’s Ministry of Foreign Affairs and International Cooperation stressed that the decision on troop-contributing countries to AUSSOM must be guided by Somali national interests and respect for its sovereignty.
This marks a clear break, in particular with Djibouti and Ethiopia, and in general with IGAD, by emphasising that any participation in AUSSOM must be approved by Mogadishu, based on strict criteria of sovereignty and effectiveness in the fight against terrorism.
In conclusion, Ismaël Omar Guelleh’s once considerable influence in the Horn of Africa is now undermined by a series of diplomatic failures, the emergence of new regional alliances and the public revelation of his manoeuvres. The rise of the alliance between Somalia, Egypt and Eritrea is isolating Djibouti and complicating IGAD’s role in AUSSOM, while Ethiopia is striving to preserve its regional position despite growing tensions with its neighbours.
Hassan Cher
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