Somalie/Uranium : USA, coup d’État de Siad Barre, URSS, Yusuf Garaad, Al-shabab, Guelleh, un cocktail qui sent à l’uranium.

Somalie/Uranium : USA, coup d’État de Siad Barre, URSS, Yusuf Garaad, Al-shabab, Guelleh, un cocktail qui sent à l’uranium.

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D’après l’AIEA : Les gisements superficiels d’uranium en Somalie sont du type calcite de remplissage de vallée et se situent dans la province aride de Mudugh, dans les régions de Dusamareb et El-Buur. Ces gisements s’étendent sur une ceinture d’environ 240 km de longueur, orientée parallèlement au cadre tectonique régional nord-sud. Les ressources en uranium dans cette région sont estimées à environ 5 000 tonnes d’U₃O₈, avec une teneur moyenne de 0,1 % d’U₃O₈. Les roches de socle environnantes constituent une succession épaisse de 7 000 m de sédiments, datant du Jurassique au Quaternaire, dans le bassin somalien.

Découverte de l’uranium et des terres rares en Somalie

Le vendredi 15 mars 1968, Mohamed Ibrahim Egal, Premier ministre de Somalie, a annoncé lors d’une conférence de presse à Balir House la découverte d’importantes réserves d’uranium et de minéraux rares en Somalie. Bien qu’il ne fût pas en visite officielle aux États-Unis, Egal a précisé que des négociations étaient en cours avec des sociétés minières américaines, soviétiques et internationales pour les droits d’exploitation. Il a également mentionné que ces gisements avaient été découverts récemment par des géologues des Nations Unies.

En plus de l’uranium, les géologues ont identifié la présence d’yttrium, un minéral rare et coûteux, vendu six fois plus cher que l’uranium à l’époque, en raison de son importance dans la production de téléviseurs couleur. Cependant, aucune information détaillée n’était disponible sur l’étendue des réserves d’yttrium.

À cette époque, des sources industrielles estimaient que les gisements d’uranium en Somalie pouvaient représenter plus d’un quart des réserves mondiales connues, qui étaient d’environ 800 000 tonnes. Cette découverte aurait pu faire de la Somalie le plus grand détenteur de réserves d’uranium au monde. De plus, la proximité de ces gisements par rapport à la surface rendait possible une exploitation à ciel ouvert, beaucoup moins coûteuse que l’exploitation souterraine.

Les experts techniques soulignaient l’importance stratégique de cette nouvelle source, notamment pour répondre à la hausse prévue des besoins en uranium en Europe dans les années 1970, grâce au développement des réacteurs nucléaires compétitifs par rapport aux sources conventionnelles d’énergie comme le charbon, le pétrole, le gaz et l’hydroélectricité.

Les premiers accords avec des sociétés minières

Le gouvernement somalien a signé plusieurs accords avec des entreprises internationales pour explorer et exploiter les gisements d’uranium. En décembre 1968 et 1969, trois accords majeurs furent conclus avec :

  • La société italienne SOMIREN S.p.A.,
  • Western Nuclear Inc., basée aux États-Unis,
  • Un consortium allemand comprenant Uranerzbergbau GmbH & Co. KG et Urangesellschaft mbH & Co. KG.

En septembre 1977, un autre accord fut signé avec le gouvernement irakien et la Société arabe minière de Jordanie (SOAEMICO) pour l’exploitation des gisements de calcaire de la région de Mudug.

Le coup d’État militaire de Siad Barre

Le 15 octobre 1969, Abdirashid Ali Shermarke, président de la Somalie, fut assassiné par un garde du corps. Le 24 octobre 1969, un coup d’État militaire fut organisé par Mohamed Siad Barre avec le soutien de l’URSS.

En juillet 1977, le régime de Siad Barre, allié au WSLF (Western Somali Liberation Front), lança une attaque contre l’Éthiopie pour conquérir l’Ogaden. Cependant, l’URSS, soutenant initialement la Somalie, changea de camp pour soutenir Addis-Abeba. En novembre 1977, Mogadiscio dénonça l’accord de coopération avec l’URSS et expulsa les conseillers soviétiques encore présents.

Tentative de retour des Américains

En mai 1977, Westinghouse Corp., une société américaine, négociait activement un partenariat pour exploiter un important gisement d’uranium dans la province de Mudugh. L’objectif était de répondre à une demande croissante en uranium pour ses centrales nucléaires.

Cependant, les négociations échouèrent, notamment en raison des tensions géopolitiques et de l’incapacité de Westinghouse à intégrer un partenaire commercial d’Europe de l’Est, ce qui aurait pu apaiser les réticences soviétiques.

Exploitation présumée par Al-Shabaab

Le 11 août 2017, Yusuf Garaad Omar, ministre somalien des Affaires étrangères, a alerté l’ambassadeur américain sur un risque de prolifération nucléaire. Selon une lettre officielle, le groupe Al-Shabaab exploiterait des gisements d’uranium dans la région de Galmudug et vendrait ce minerai à l’Iran.

La guerre contre Al-Shabaab

Depuis août 2023, Hassan Sheikh Mohamud, président de la Somalie, dirige une offensive militaire pour reconquérir les territoires contrôlés par Al-Shabaab dans la région de Galmudug. Appuyées par des forces américaines, les armées somaliennes ont obtenu des gains initiaux avant de se replier, invoquant des problèmes logistiques.

Des rumeurs suggèrent que cette opération visait aussi à sécuriser les sites miniers et à permettre une inspection américaine des activités présumées d’Al-Shabaab.

Initiatives récentes et enjeux stratégiques

En août 2023, Ismael Omar Guelleh, président de Djibouti, a exprimé son inquiétude quant aux activités militaires en Somalie, notamment en Galmudug. Sa visite prévue à Mogadiscio visait à discuter de :

  • Les enquêtes américaines sur l’uranium,
  • Le projet de « Deuxième Ligne de Défense »,
  • Le projet FRONTLINE,
  • La situation à Laascaanood.

Des émissaires du président somalien ont également approché ORANO, une société française, pour envisager l’exploitation des réserves d’uranium. En parallèle, une société dirigée par le gendre d’Ismael Omar Guelleh cherche à s’impliquer dans les futures activités minières, démontrant l’influence persistante de réseaux régionaux sur la gestion des ressources stratégiques.

Hassan Cher

English translation of the article in French.

Somalia/Uranium: USA, Siad Barre coup, USSR, Yusuf Garaad, Al-shabab, Guelleh, a cocktail that smells of uranium.

According to the IAEA: Superficial uranium deposits in Somalia are of the valley-fill calcite type and are located in the arid Mudugh province, in the Dusamareb and El-Buur regions. These deposits extend over a belt some 240 km long, oriented parallel to the regional north-south tectonic framework. Uranium resources in this region are estimated at around 5,000 tonnes of U₃O₈, with an average grade of 0.1% U₃O₈. The surrounding basement rocks form a 7,000 m-thick succession of sediments, dating from the Jurassic to the Quaternary, in the Somali Basin.

Discovery of uranium and rare earths in Somalia

On Friday March 15, 1968, Mohamed Ibrahim Egal, Prime Minister of Somalia, announced at a press conference at Balir House the discovery of significant reserves of uranium and rare minerals in Somalia. Although he was not on an official visit to the United States, Egal said that negotiations were underway with American, Soviet and international mining companies for exploitation rights. He also mentioned that these deposits had recently been discovered by United Nations geologists.

In addition to uranium, geologists identified the presence of yttrium, a rare and expensive mineral, sold at six times the price of uranium at the time, due to its importance in the production of color televisions. However, no detailed information was available on the extent of yttrium reserves.

At the time, industry sources estimated that Somalia’s uranium deposits could account for more than a quarter of the world’s known reserves of around 800,000 tonnes. This discovery could have made Somalia the world’s largest holder of uranium reserves. What’s more, the proximity of these deposits to the surface made open-pit mining much less costly than underground mining.

Technical experts emphasized the strategic importance of this new source, particularly to meet the expected increase in uranium requirements in Europe in the 1970s, thanks to the development of nuclear reactors that would be competitive with conventional energy sources such as coal, oil, gas and hydroelectricity.

The first agreements with mining companies

The Somali government signed several agreements with international companies to explore and exploit uranium deposits. In December 1968 and 1969, three major agreements were signed with :

– The Italian company SOMIREN S.p.A.,

– U.S.-based Western Nuclear Inc,

– A German consortium comprising Uranerzbergbau GmbH & Co. KG and Urangesellschaft mbH & Co. KG.

In September 1977, another agreement was signed with the Iraqi government and the Arab Mining Company of Jordan (SOAEMICO) for the exploitation of limestone deposits in the Mudug region.

Siad Barre’s military coup

On October 15, 1969, Abdirashid Ali Shermarke, President of Somalia, was assassinated by a bodyguard. On October 24, 1969, a military coup was organized by Mohamed Siad Barre with the support of the USSR.

In July 1977, the Siad Barre regime, allied with the Western Somali Liberation Front (WSLF), launched an attack on Ethiopia to conquer the Ogaden. However, the USSR, initially supporting Somalia, changed sides to support Addis Ababa. In November 1977, Mogadishu denounced the cooperation agreement with the USSR and expelled the remaining Soviet advisors.

Attempted American comeback

In May 1977, the American company Westinghouse Corp. was actively negotiating a partnership to exploit a large uranium deposit in the Mudugh province. The aim was to meet a growing demand for uranium for its nuclear power plants.

However, the negotiations failed, not least because of geopolitical tensions and Westinghouse’s inability to integrate an Eastern European trading partner, which might have eased Soviet reluctance.

Suspected exploitation by Al-Shabaab

On August 11, 2017, Yusuf Garaad Omar, Somalia’s foreign minister, alerted the US ambassador to a risk of nuclear proliferation. According to an official letter, the Al-Shabaab group is reportedly mining uranium deposits in the Galmudug region and selling the ore to Iran.

The war against Al-Shabaab

Since August 2023, Hassan Sheikh Mohamud, President of Somalia, has been leading a military offensive to reconquer the territories controlled by Al-Shabaab in the Galmudug region. Backed by US forces, the Somali armies made initial gains before pulling back, citing logistical problems.

Rumors suggest that this operation was also aimed at securing mining sites and allowing American inspection of suspected Al-Shabaab activities.

Recent initiatives and strategic issues

In August 2023, Ismael Omar Guelleh, President of Djibouti, expressed concern about military activities in Somalia, particularly in Galmudug. His planned visit to Mogadishu was intended to discuss :

– U.S. uranium investigations,

– The “Second Line of Defense” project,

– The FRONTLINE project,

– The situation in Laascaanood.

Emissaries of the Somali president have also approached ORANO, a French company, to consider exploiting the uranium reserves. At the same time, a company headed by Ismael Omar Guelleh’s son-in-law is seeking to become involved in future mining activities, demonstrating the persistent influence of regional networks on the management of strategic resources.

Hassan Cher


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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared