
Non au 6ᵉ mandat illégal d’Ismaïl Omar Guelleh : Djibouti mérite mieux

Par Nimo Egueh Darar, ex-journaliste de La Nation (Djibouti) – 1er juillet 2025
Depuis plusieurs semaines, une vague de colère et d’indignation traverse la diaspora djiboutienne et les milieux militants à travers le monde. Le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG), au pouvoir depuis 1999, prépare dans le plus grand secret un sixième mandat, en violation flagrante de la Constitution de Djibouti. Cette manœuvre, perçue comme un affront à la démocratie et à la volonté populaire, ravive les blessures d’un peuple fatigué par plus de quarante-huit ans de règne sans véritable alternance.
Le Rassemblement pour l’Action, la Démocratie et le Développement Écologique (RADDE), mouvement citoyen né dans la diaspora, a décidé de rompre le silence. Ce samedi 14 juin 2025 à 14h, il organise à la Pianofabriek de Saint-Gilles (Bruxelles) une conférence-débat pour dénoncer cette dérive autoritaire et rappeler que « non, Djibouti n’a pas de roi ». Le message est clair : « Non au 6ᵉ mandat illégal de IOG ! »
1. Une Constitution piétinée
La Constitution djiboutienne, modifiée à plusieurs reprises pour permettre la prolongation du pouvoir, avait pourtant fixé des limites claires à la présidence. En 2010, une réforme controversée avait déjà ouvert la voie à un troisième mandat pour Ismaïl Omar Guelleh, brisant le principe d’alternance inscrit dans l’esprit même de la Loi fondamentale. Quinze ans plus tard, le scénario se répète : un nouveau tour de passe-passe politique se prépare, toujours sous couvert de « stabilité » et de « continuité ».
Mais pour beaucoup de Djiboutiens, cette continuité n’est plus synonyme de stabilité, mais bien d’immobilisme et d’oppression. Les opposants sont muselés, les journalistes réduits au silence, les étudiants et militants contraints à l’exil. Le régime s’appuie sur la peur, l’intimidation et la loyauté d’un appareil sécuritaire omniprésent.
2. La voix de la diaspora : “Djibouti n’a pas de roi”
Le mouvement de contestation s’organise désormais au-delà des frontières. À Bruxelles, à Paris, à Montréal ou même à Washington, des Djiboutiens se rassemblent pour exiger une transition démocratique.
Lors de la conférence du RADDE, plusieurs intervenants prendront la parole pour rappeler la gravité de la situation. Le communiqué du mouvement dénonce « l’enrichissement illicite du régime et de la famille IOG sur le dos d’un peuple appauvri ». Il appelle aussi à « la libération immédiate de tous les prisonniers politiques détenus sans jugement à Gabode ».
Le mot d’ordre est simple et puissant : “Djibouti n’est pas une monarchie. 48 ans de parti unique, ça suffit !”
3. Témoignages et courage
Parmi les voix les plus fortes, celle de Moustapha Houssein, exilé aux États-Unis, résonne comme un cri de désespoir et de dignité. Sur les réseaux sociaux, il dénonce sans relâche la dérive autoritaire du régime :
“No 6ᵉ terms elections for candidature in Djibouti. It’s against the Constitution, and no king in Djibouti. 48 years for one party politique — we need change.”
Harcelé, menacé, il raconte aussi la solitude de ceux qui s’opposent à un pouvoir tentaculaire : “They can arrest me here in the USA because I said no 6ᵉ terms in my country and no king in my country.”
Son courage illustre le prix que doivent payer ceux qui osent dire non à la dictature, même loin de Djibouti. Des militants comme lui incarnent cette génération qui refuse la peur, qui exige un avenir où la justice et la liberté ne seront plus des mots creux.
4. Une résistance pacifique mais déterminée
La mobilisation du 14 juin à Bruxelles s’inscrit dans une longue tradition de résistance civile. Le RADDE veut rassembler les Djiboutiens autour d’un projet de société fondé sur la démocratie, la justice sociale et la protection de l’environnement.
“Nous voulons réfléchir ensemble aux pistes de réforme pour l’avènement d’un troisième président pour la République de Djibouti, dans un demi-siècle d’indépendance”, précise le communiqué du mouvement.
Ce n’est pas un appel à la violence, mais un appel à la conscience. À travers débats, témoignages et échanges, les militants espèrent redonner au peuple djiboutien la parole qu’on lui a confisquée depuis trop longtemps.
5. Le devoir de dire non
Dans une récente interview accordée à Jeune Afrique, Ismaïl Omar Guelleh affirmait :
“J’aime trop Djibouti pour l’embarquer dans une aventure irresponsable.”
Mais n’est-ce pas précisément ce sixième mandat qui constitue une aventure irresponsable ? Gouverner sans partage, mépriser la Constitution, étouffer la presse et l’opposition : tout cela ne peut conduire qu’à l’épuisement moral et économique d’un pays déjà meurtri.
L’histoire nous enseigne qu’aucun pouvoir n’est éternel. Djibouti a besoin d’un souffle nouveau, d’une alternance réelle, d’un État au service de ses citoyens — pas d’un homme au-dessus des lois.
6. Pour que Djibouti revive
Aujourd’hui, dire non au 6ᵉ mandat n’est pas un acte de rébellion, c’est un acte d’amour envers Djibouti. C’est croire encore qu’un autre avenir est possible : celui d’un pays libre, juste et prospère, où chaque citoyen peut s’exprimer sans crainte.
Ce combat est celui d’une génération déterminée à briser le silence. Comme l’affirme le RADDE :
“Mobilisons-nous pour l’avenir de Djibouti !”
Et de rappeler avec force :
« Il n’y a pas de roi à Djibouti. »
Nimo Egueh Darar