Mer Rouge: le réseau secret du trafic d’armes iranien aux Houthis, via Djibouti et Somalie, dévoilé par des marins repentis

Mer Rouge: le réseau secret du trafic d’armes iranien aux Houthis, via Djibouti et Somalie, dévoilé par des marins repentis

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Traduction de l’arabe en français des témoignages de l’équipage du boutre que les Forces de Résistance Nationale yéménites (NRF), sous le commandement de Tariq Saleh, membre du Conseil de Direction Présidentiel (CDP), ont intercepté le 16 juillet 2025 avec une cargaison massive d’armement sophistiqué en provenance d’Iran. Le boutre, en provenance de Djibouti et qui était en route vers Hodeida, a été arraisonnés. Lien : https://youtu.be/OhzkI9nng-U?si=aT-cPz7s9wVBy6Lo


  1. Traduction – Partie 1

Je m’appelle Amir Ahmed Yahim Sawa, originaire d’Al-Hudaydah, district d’Al-Hawak.
J’ai commencé à travailler dans la contrebande pour les Houthis en 2021.
J’ai transporté clandestinement deux cargaisons depuis l’Iran, du port de Bandar Abbas directement vers Al-Salif, et deux cargaisons depuis un bateau iranien à Ras Kouray, en Somalie, également vers le port d’Al-Salif.
J’ai également acheminé douze cargaisons depuis le port de Djibouti vers Al-Salif. Les « sanabik » (embarcations traditionnelles) que nous utilisions restaient la propriété des Houthis.
Nous naviguions à l’ouest du couloir maritime international, en direction du port d’Al-Salif.

Parmi les marins et responsables houthis impliqués dans mes opérations figuraient : Ibrahim Al-Mu’ayyad, Yahya Janiya, Ihsan Al-Attas, Ibrahim Mughram et Fayçal Mohamed Ghaleb.
Deux d’entre eux étaient basés à Al-Hudaydah, l’un dans le quartier Al-Sab’iyoul et l’autre dans le quartier Al-Shahr Al-Zaid.

Mon premier contact avec les Houthis s’est fait par l’intermédiaire d’Ibrahim, propriétaire d’une usine de fibre de verre avec lequel je travaillais auparavant. Il m’a recontacté plus tard en me disant :

« Je veux que tu ramènes des Houthis depuis la Somalie. Mohsen sera notre intermédiaire. »

Mohsen m’a ensuite dit :

« Hussein Al-Attas est mon frère. Il n’est pas seulement directeur des engrenages de pêche à Al-Hudaydah, il est également Houthi. »

Il ajouta :

« Tu iras en Somalie pour ramener du diesel directement à Al-Salif. »

J’ai accepté. Nous avons travaillé pour un salaire de 200 000 rials par mission, et avons effectué environ 12 ou 13 trajets entre la Somalie et Berbera. Depuis Berbera, nous avons transporté 150 barils de « dimar » jusqu’au port d’Al-Salif.

Pendant nos activités de contrebande de diesel, nous avons suivi trois cycles de formation (« dawrat ») :

  • Les deux premiers se sont déroulés dans une ferme de manguiers dans la région d’Al-Kudn, chacun regroupant environ 22 ou 23 participants.
  • Le troisième s’est tenu à Sanaa, dans une maison où nous avons séjourné environ dix jours.

Après cette formation, nous avons été envoyés à Saada, où nous avons visité la mosquée Al-Hadi, puis sommes restés là environ dix jours avant de rentrer directement à Al-Hudaydah.

Après mon retour de Saada, j’ai travaillé comme capitaine (« nakhoda ») sur le sanbuk Al-Fadl, appartenant aux Houthis. Par la suite, Ibrahim Al-Mu’ayyad m’a proposé un voyage vers l’Iran, en me disant qu’il m’obtiendrait un bateau depuis ce pays.

Nous sommes donc partis durant le Ramadan 2023 :

  • De Sanaa, nous avons voyagé vers le port d’Aqaba, puis en avion vers la Jordanie, puis vers le Liban.
  • À Beyrouth, un Libanais d’environ 60 ans nous a hébergés pendant trois à quatre jours.
  • De là, nous avons pris la route vers la Syrie, puis l’avion vers Téhéran.

À l’aéroport de Téhéran, un Iranien nous a accueillis et conduits dans une résidence militaire appartenant aux Houthis. Nous y avons rencontré Mustafa et Mohammed Al-Talbi, Houthis également. Mustafa servait d’interprète.

Ensuite, nous avons pris un avion pour Bandar Abbas, où nous avons séjourné dans une villa appartenant aux Houthis. On nous y a expliqué les méthodes de travail, et des marins somaliens nous ont rejoints, ainsi que deux Yéménites d’Al-Hudaydah : Ali Qasir et Issa Qasir.

Après environ deux mois sur place, on nous a annoncé que le sanbuk était prêt.
Nous avons quitté le port de pêche iranien avec l’équipage : moi-même, les Somaliens, les deux Yéménites Qasir, et un capitaine somalien.

Le bateau, Al-Yazan, contenait des marchandises recouvertes de bâches. Nous ignorions ce qui se trouvait réellement en dessous.
Nous avons navigué depuis l’Iran vers Berbera, puis tracté un autre bateau en panne jusqu’à Al-Hudaydah.
En contournant l’ouest du couloir maritime international, près de l’Érythrée, nous avons évité les patrouilles de la coalition, puis sommes arrivés à Al-Salif, où nous avons débarqué.

Traduction – Partie 2

Lors de mon second voyage en Iran, en avril 2024, Ibrahim Al-Mu’ayyad m’a contacté et m’a demandé de changer de passeport par rapport à celui utilisé précédemment.
Nous sommes allés ensemble à Al-Salif, où nous avons embarqué avec un équipage complet de 11 hommes.

Nous avons navigué pendant 10 jours depuis le port d’Al-Salif jusqu’à Bandar Abbas, où nous avons séjourné dans le même lieu que lors du premier voyage.
Nous y avons attendu qu’on nous attribue un bateau (sanbuk) prêt à prendre la mer.

Après environ un mois et dix jours, on nous a annoncé que le sanbuk « Sharwai » était prêt.
Au port de Bandar Abbas, nous avons découvert que le bateau transportait :

  • 82 cartons de tissu,
  • 3 000 couvertures,
  • et un autre type de tissu appelé « hadem » (plus épais et résistant).

Le contenu des cales (« khunun ») était verrouillé et nous était inconnu.
Nous avons quitté Bandar Abbas directement pour Al-Salif, où nous avons remis le bateau à Ibrahim Al-Mu’ayyad, qui a récupéré nos passeports.

Durant la traversée, Mustafa Al-Barji nous contactait via téléphone satellite « Thuraya » et appareil GPS « Magellan » pour suivre notre position.
On nous a ensuite confié le sanbuk « Al-Mahdar » appartenant aux Houthis, avec pour mission de nous rendre sur la côte somalienne, à Ras Kouray.

Là, nous avons accosté près d’un sanbuk iranien et chargé des caisses de riz et de macaronis.
Pour la première cargaison :

  • 5 000 cartons de macaronis,
  • 3 000 cartons de riz.

Pour la deuxième cargaison :

  • 10 000 cartons de macaronis,
  • 5 000 cartons de riz.

Nous ignorions s’il y avait autre chose à l’intérieur des cartons.

Après ces deux voyages, on m’a confié un autre sanbuk, le « Sharwai », pour transporter des marchandises du port de Djibouti vers Al-Salif.
Nous avons effectué dix rotations depuis Djibouti, transportant :

  • sacs d’engrais,
  • compresseurs (« kombrishinat »),
  • transformateurs électriques,
  • machines à laver,
  • chauffe-eau,
  • ainsi que divers appareils ménagers.

Toutes ces marchandises portaient des étiquettes en anglais indiquant des produits civils.
En réalité, la dernière mission – la douzième – sur laquelle nous avons été interceptés, contenait officiellement des compresseurs, batteries, transformateurs, générateurs et autres équipements.
Cependant, lors du contrôle, les batteries renfermaient des balles, et les grands compresseurs cachaient des missiles et des drones.

J’ai exprimé mon indignation à Fayçal en lui disant :

« Vous nous trompez à ce point ? Vous nous faites transporter des armes lourdes en nous faisant croire que ce sont des marchandises civiles ! »

Il a répondu que tout le travail était du « commerce », sans lien avec les armes.
En réalité, la contrebande depuis l’Iran se faisait parfois directement vers Al-Salif, et parfois par transbordement via les côtes somaliennes ou Djibouti.
Au début, en 2021, les passages étaient faciles : aucun contrôle en mer, seulement une présence minimale des garde-côtes. Mais depuis l’arrivée des forces de Tariq, les patrouilles se sont multipliées dans les îles et couloirs maritimes, du Bab el-Mandeb jusqu’aux îles de Zuqar.


B. Traduction – Partie 3

Nom : Ali Ahmed Abdo Qasir
Origine : Gouvernorat d’Al-Hudaydah.
Père : Yéménite.
Mère : Érythréenne.
Lieu de naissance : Île de Dahlak, Érythrée.
Résidence actuelle : Sanaa.

J’ai travaillé pendant environ deux ans dans des bateaux de contrebande (« sanabik ») pour les Houthis, tantôt comme marin, tantôt comme mécanicien chargé de la maintenance.
J’ai voyagé cinq fois en Iran, rapportant à chaque fois des cargaisons du port de Bandar Abbas directement au port d’Al-Salif.
Une fois, nous avons aussi récupéré une cargaison sur la plage de Ras Kouray depuis un bawam (grand bateau traditionnel) iranien, puis l’avons transférée à Al-Salif.
Ma dernière mission a été interrompue alors que je transportais une cargaison depuis Djibouti vers Al-Salif.

Parfois, les cargaisons partaient directement des ports iraniens vers Al-Salif ; d’autres fois, elles étaient transférées par des navires iraniens sur les côtes somaliennes ou à Djibouti, puis nous les convoyions de là vers Al-Salif.

Mon entrée dans ce réseau de contrebande a commencé grâce à mon frère Issa, qui m’a présenté au commandant Hussein Al-Attas.
Ce dernier m’a dit :

« Tu vas travailler dans le transport de diesel. »

Plutôt que de rester sans emploi, j’ai accepté.
Nous avons commencé à faire passer du diesel depuis Bursaso (Puntland, Somalie), en quantités de 40 à 50 tonnes, jusqu’au port d’Al-Salif.
Puis, on nous a annoncé que le diesel ne serait plus la marchandise principale et qu’une formation (« dawra ») était prévue à Sanaa.

Nous étions environ 25 marins, tous impliqués dans la contrebande.
Le formateur principal était le commandant Yahya Abu Shahid Yahya Janiya, de Saada.
La formation a duré dix jours, après quoi on nous a demandé de nous procurer des passeports.

Je suis allé à Aden avec mon camarade Ammar Abu Bakr Mansour pour obtenir nos documents de voyage, puis nous avons passé environ 15 jours à Sanaa avant d’être contactés pour un départ.

Nous avons été accueillis à la « Jowlat Ayah » (un rond-point connu à Sanaa) et hébergés à l’hôtel. Le lendemain matin, nous avons été transférés jusqu’à la province d’Al-Mahra, à la ville frontalière de Shahn.

Après une nuit dans un hôtel local, un contact local nous a conduits jusqu’au poste frontière de Mazyouna, à Oman.
De là, nous avons été emmenés à Salalah, où nous avons passé deux à trois jours chez Hussein Al-Attas.

Ensuite, nous avons voyagé par avion de Salalah à Mascate, puis vers Téhéran.
À notre arrivée à l’aéroport, un traducteur yéménite nous attendait.
Nous avons été conduits dans un camp composé de trois villas, où séjournaient plusieurs Yéménites.
Le responsable du camp était le commandant Abu Jafar Mohammed Al-Talbi.

Après environ une semaine, on nous a transférés à Bandar Abbas avec un superviseur nommé Abd Al-Alim.
Nous y avons séjourné cinq jours à l’hôtel, puis un équipage indien de huit à neuf hommes nous a rejoints.
Au bout d’une semaine, une partie de cet équipage est partie chercher un bateau depuis la frontière pakistanaise, qu’ils ont ramené jusqu’à l’île de Qeshm.

Nous avons rejoint Qeshm, inspecté le bateau, effectué des réparations mécaniques et préparé du carburant.
Ensuite, nous sommes revenus à Bandar Abbas, puis à Téhéran, au même camp qu’auparavant.

Nous y sommes restés 12 jours supplémentaires avant d’être conduits à Qom pour visiter le mausolée de l’imam Khomeiny et d’autres sites religieux, avec récitation de prières et lectures.
Après cette étape, nous sommes retournés au camp, puis avons été rapatriés au Yémen.

À Sanaa, après environ 15 jours, Iyad Maqbul Al-Atini, un collaborateur de Hussein Al-Attas, m’a contacté pour m’annoncer un nouveau départ.
J’ai voyagé à nouveau avec Yahya Janiya vers Al-Jawf, puis à travers le désert jusqu’à Shahn, et enfin à Salalah, Oman.
Après quelques jours, nous avons repris un avion vers Mascate, puis vers Bandar Abbas.

À l’aéroport, Mustafa Al-Barji et un Iranien nous ont accueillis, nous conduisant dans une résidence sécurisée à Bandar Abbas.
Nous y avons retrouvé Ammar Mansour et un équipage somalien de 12 à 13 hommes.
Le commandant Abu Jafar Mohammed Al-Talwi est venu nous voir avec son traducteur Mustafa.
Nous avons été divisés en deux groupes :

  • L’un avec Ammar Mansour,
  • L’autre avec Amer Masawa (dans mon groupe, avec mon frère Issa).

Ceux du groupe d’Ammar sont partis en mer tandis que nous restions à Bandar Abbas.
Nous avons ensuite été transférés au port pour prendre un bateau contenant :

  • 80 barils d’une substance appelée « fibra class »,
  • trois moteurs marins à six cylindres,
  • du tissu pour fibre de verre,
  • et trois cales fermées dont le contenu nous était inconnu.

Nous avons navigué 11 à 12 jours jusqu’à Bosaso (Somalie), puis à Al-Salif, où nous avons remis le bateau.

Traduction – Partie 4

Après environ deux ou trois mois à Sanaa, Iyad m’a recontacté pour un nouveau départ, cette fois par mer, à bord d’un bateau appelé Al-Ayan, en compagnie d’Ammar.

Nous étions deux équipages :

  • Le nôtre à bord du Al-Ayan,
  • L’autre placé dans un autre secteur pour y récupérer des passagers depuis un bateau en fibre de verre (fiber).

Avant d’arriver à Bandar Abbas, nous avons reçu des coordonnées pour retrouver le bateau en fibre de verre.
Nous avons transféré cinq ou six personnes depuis ce fiber, dont je ne connais pas les noms, à l’exception des capitaines.
Puis nous avons poursuivi notre route vers Bandar Abbas.

Avant d’entrer dans le port, nous avons mouillé près d’une île et passé la nuit.
Le lendemain matin, nous avons accosté et sommes restés 15 à 16 jours.

Ensuite, on nous a confié une cargaison composée de :

  • 2 000 à 3 000 cartons de lait,
  • ainsi que cinq cartons, placés dans la chambre froide du bateau, présentés comme des médicaments contre le cancer.

Nous avons respecté les consignes de température, puis mis le cap sur Al-Salif, où nous avons remis le bateau.

Lors de mon quatrième voyage, en 2024, juste après l’Aïd al-Fitr, Ibrahim Al-Mu’ayyad m’a contacté pour voyager avec Mabrouk Mohammed Hassan.

Cette mission comprenait deux équipes :

  • Celle d’Amer, qui devait rester à destination pour reprendre un autre bateau,
  • La nôtre, chargée du convoyage.

Nous sommes partis vers le port de pêche de Jask, en Iran, où nous avons été pris en charge par Mustafa, qui nous a demandé de livrer le bateau habituel au port.
Ensuite, deux véhicules nous ont transférés à Bandar Abbas, où nous avons séjourné 12 jours.

Puis on nous a indiqué que nous devions transporter :

  • 35 caisses de médicaments contre le cancer,
  • à température contrôlée,
  • plus une seconde partie de cargaison dont le contenu nous était inconnu.

Nous avons pris la mer vers Al-Salif, où l’équipage a débarqué à l’exception de moi, à qui l’on a demandé de rester à bord deux jours pour maintenir la réfrigération, jusqu’à l’arrivée d’un camion frigorifique.

Le cinquième voyage a débuté depuis Al-Salif vers le port d’Al-Hudaydah, mais à 1,5 mille du port, nous avons essuyé un bombardement.
On nous a ordonné de revenir à Al-Salif, où l’équipage a débarqué, tandis que je suis resté à bord faute de logement.

Ensuite, nous avons entrepris des travaux de maintenance sur un sanbuk nommé Al-Yazan, notamment l’installation de chambres froides par des ingénieurs venus de Sanaa.
Nous avons chargé 8 tonnes de crevettes dans deux réfrigérateurs, sous la supervision de Mohammed Shubail, puis pris la route vers l’Iran.

À notre arrivée dans la zone prévue, nous avons reçu des coordonnées et été accueillis par des Iraniens qui nous ont conduits dans un site ressemblant à un camp militaire.
Là, ils ont remplacé la cargaison de crevettes par :

  • 50 barils de silicone noir (180 litres chacun),
  • quatre grandes ventilations industrielles,
  • 3 000 cartons de médicaments divers,
  • 1 000 cartons de gâteaux,
  • 3 000 cartons de jus de grenade (produit pourtant disponible au Yémen).

Après avoir franchi le cap Ras al-Hadd, nous avons rencontré des vents violents, et le moteur a commencé à surchauffer.
Un équipage indien, chargé des communications, nous a aidés à contacter les autorités omanaises.

Nous sommes entrés dans la zone de Khor Karama (Oman), où les autorités ont inspecté le bateau.
La cargaison contenait également :

  • 60 caisses et 60 glacières de médicaments contre le cancer,
  • ainsi qu’un nouveau générateur destiné au système de réfrigération.

Après cinq jours, nous avons quitté Oman et rejoint Al-Salif.

Lors d’une autre mission, sous le commandement du capitaine Ammar, nous avons quitté Al-Salif vers Ras Kouray, à l’ouest de Bosaso (Somalie).
Là, nous avons accosté un bateau iranien dans l’obscurité et reçu des cartons de macaronis.
J’ai remarqué qu’un carton était différent : après en avoir prélevé un échantillon, j’ai découvert qu’il contenait une substance qui s’enflammait rapidement — ce qui m’a paru suspect.

Plus tard, nous avons passé l’Aïd à Djibouti, où nous avons progressivement chargé plusieurs conteneurs jusqu’à remplir complètement le sanbuk.
À notre passage de Bab el-Mandeb, nous avons été interceptés par les patrouilles de Tariq.

Au contrôle, il est apparu que :

  • les batteries contenaient des munitions,
  • les gros compresseurs cachaient des drones,
  • et divers autres équipements militaires.

C’est à ce moment que j’ai compris que toutes les cargaisons que nous avions transportées depuis l’Iran étaient en réalité du matériel de fabrication militaire.
Nous, marins, recevions seulement 100 000 à 200 000 rials par mission, alors que les responsables houthis comme Al-Mu’ayyad, Al-Shahid et Hussein Al-Attas empochaient des millions.


C. Traduction – Partie 5

Nom : Issa Ahmed Abdo Al-Qasir
Âge : 58 ans
Lieu de naissance : Île de Dahlak, Érythrée
Nationalité : Yéménite par le père
Résidence : Quartier Al-Hay’a, gouvernorat d’Al-Hudaydah

J’ai commencé à travailler avec les Houthis dans la contrebande maritime en 2021.
Mes trajets comprenaient des voyages entre le Yémen et la Somalie, la Somalie et l’Iran, ainsi que des missions depuis Oman vers l’Iran.
Nous avons parfois convoyé des bateaux depuis l’Iran vers la Somalie, puis de Somalie vers le Yémen.

Un des voyages les plus marquants a été celui où nous avons quitté le Yémen par Oman pour rejoindre l’Iran.
De là, nous avons rapporté un sanbuk cargo vers la Somalie, puis l’avons dirigé vers le Yémen.
Nous avons également effectué une mission depuis Bosaso vers le Yémen à partir d’un sanbuk iranien, de nuit et dans l’obscurité totale.

À Djibouti, j’ai participé à environ douze allers-retours entre Djibouti et Al-Salif, transportant toujours les mêmes types de marchandises :

  • compresseurs hydrauliques,
  • transformateurs électriques,
  • batteries,
  • sacs d’engrais,
  • ainsi que des sanabik appartenant aux Houthis, accompagnés de leurs marins et responsables.

Les bateaux transportaient toujours des cargaisons civiles en apparence, mais nous n’étions pas informés du contenu réel.

J’ai été recruté par un homme nommé Taleb Hamza, un intermédiaire reconnu dans le domaine de la pêche.
Il m’a présenté à Hussein Al-Attas, un cadre houthi, qui m’a proposé de travailler avec des propriétaires de sanbuk pour transporter des cargaisons depuis la Turquie, avec équipages composés d’Indiens et d’Yéménites.

Après un temps d’attente, Yahya Janiya m’a contacté pour préparer un voyage.
Je suis parti avec Ammar vers la région d’Al-Jawf, puis nous avons traversé le désert jusqu’à Al-‘Abr.
De là, nous avons pris un bus vers le port d’Al-Shihr, où nous avons séjourné dans un hôtel appartenant à un certain Abdel Wadood.

Nous avons ensuite pris la mer vers la Somalie, sur un sanbuk vide — ce qui m’a paru étrange.
On nous a expliqué que ce voyage servait uniquement à nous familiariser avec les routes maritimes, en prévision de futurs trajets de contrebande.

Parmi les personnes présentes sur le bateau figuraient :

  • Ammar Abu Bakr (chef d’opération),
  • Marwan Zaboot,
  • Othman Aati,
  • Mustafa Al-Barji,
  • Mukhtar Bariq.

Nous avons été interceptés par les Américains, qui ont fouillé le bateau, puis nous ont laissés repartir.
À notre arrivée en Somalie, on nous a annoncé que le sanbuk en panne, laissé lors d’un précédent voyage, avait été réparé et préparé.
Nous avons pris la mer vers l’Iran, vers le port de Bandar Jask, mais avons dû rester à 15 milles du rivage.

Dans la nuit, un bateau en fibre de verre est venu récupérer une partie de l’équipage, puis nous avons été conduits en voiture vers une région appelée Minab, située près de vergers.
Nous avons été hébergés dans une villa ancienne pendant un mois et demi à deux mois, le temps de préparer un nouveau sanbuk carrelé (« balât »).

Après son armement, nous avons navigué vers la Somalie, où nous avons été interceptés à nouveau par des forces américaines, qui nous ont relâchés après inspection.
Nous avons ensuite repris le sanbuk réparé et l’avons convoyé au Yémen, probablement en 2022.

En 2024, Ammar Abu Bakr m’a recontacté pour un voyage de trois à quatre jours vers Sanaa, puis vers Saada.
Nous étions six marins, tous membres du même groupe initial.
À Saada, nous avons suivi une courte formation, puis reçu l’ordre de rejoindre Hussein Al-Attas à Sanaa.

Peu après, un homme nommé Abu Aqil m’a convoqué à la zone d’Al-Jumina, où des photos de ma pièce d’identité ont été prises pour établir un passeport maritime.
Après plus d’une semaine d’attente, nous avons voyagé par Al-Jawf jusqu’à Oman, puis en avion de Salalah à Mascate, et de Mascate à Bandar Abbas.

À notre arrivée, Mustafa Al-Barji et un Iranien nous ont accueillis et conduits dans une maison sécurisée.
Deux jeunes Arabophones étaient chargés de répondre à nos besoins.
Nous n’avions pas le droit de quitter les lieux sauf pour être transférés directement vers un bateau.

Dans cette mission, j’étais avec Ammar et cinq Somaliens.
Nous avons chargé environ 150 barils, 400 à 600 cartons de tissu et plusieurs caisses fermées, censées contenir des médicaments anticancéreux nécessitant une réfrigération.
L’un des générateurs est tombé en panne près des côtes omanaises, ce qui nous a forcés à entrer dans un port pour réparation.

Après environ dix jours, nous avons repris la mer et livré la cargaison au Yémen, avant de repartir pour un nouveau cycle.

Après ce voyage, Amer, mon frère Ali et moi avons rejoint une nouvelle mission en 2024.
Nous avons quitté Al-Salif pour la zone d’Asqouri, en Somalie, où nous avons accosté un sanbuk iranien déjà amarré.
C’était le soir, et environ six à huit Iraniens se trouvaient à bord.
Ils nous ont transféré la cargaison carton par carton, depuis leur grand bateau jusqu’au nôtre, plus petit.

Les cartons étaient censés contenir des macaronis.
Cependant, je trouvais étrange que des Iraniens, en pleine nuit, livrent de la « simple » nourriture alors que le Yémen en produit déjà.
Cela a renforcé mes soupçons sur la nature réelle des cargaisons.

Après cette mission, j’ai passé sept à huit mois sans travailler.
En juillet 2024, Ibrahim Al-Mu’ayyad m’a appelé pour me dire que je voyagerais avec Amer Masawa.
Nous avons effectué environ 12 rotations Djibouti – Al-Salif, transportant toujours le même type de cargaisons :

  • compresseurs,
  • transformateurs électriques,
  • batteries,
  • sacs d’engrais.

Lors de notre dernière mission, nous avons été interceptés par les forces navales de Tariq.
Les inspections ont révélé que :

  • les batteries contenaient des munitions,
  • les compresseurs cachaient des pièces de missiles,
  • les transformateurs électriques renfermaient des composants de missiles.

Nous avons été stupéfaits d’apprendre que, depuis le début, nous transportions en réalité des armes et du matériel militaire sous couverture de marchandises civiles.
Cela a profondément choqué Amer Masawa, qui est resté assis, incapable de se relever, après la découverte.


D. Traduction – Partie 6

Témoignage de Abdullah Mohammed Maqbul Hassan Afifi
Originaire du gouvernorat d’Al-Hudaydah, district d’Al-Jarrahi, village de Maata.

J’ai travaillé pour les Houthis dans la contrebande maritime depuis 2021.
J’ai participé à une cargaison depuis l’Iran vers Al-Salif, ainsi qu’à deux missions depuis Ras Kouray, en Somalie, à partir d’un sanbuk iranien, vers Al-Salif.
Ensuite, nous avons effectué plusieurs missions de contrebande de diesel depuis la Somalie, puis douze autres depuis Djibouti vers Al-Salif.

Ces cargaisons contenaient :

  • compresseurs,
  • générateurs électriques,
  • batteries,
  • parfois des sacs d’engrais.

On nous disait qu’il s’agissait de marchandises ordinaires, mais nous ne savions pas que l’intérieur cachait des armes.

J’ai été recruté par Ali Yusuf Mahdali et Abdullah Shubail, qui m’ont présenté à Yahya Janiya.
Ce dernier, avec Abu Taha Hatim, nous a envoyés suivre une formation de dix jours dans la région de Saada, au site de Jurf Salman, incluant une visite au mausolée de Hussein Badr al-Din.

Après cette formation, nous avons reçu une prime de 25 000 rials et sommes retournés dans nos villages.
Quelques jours plus tard, on nous a appelés à Al-Hudaydah pour nous annoncer que nous travaillerions désormais dans la contrebande maritime.

La première mission a été un transport de diesel depuis la zone de Barsasa, en Somalie, vers Al-Salif.
Nous étions environ six à sept hommes à bord, sous la direction du capitaine Abdullah Omar.
Le deuxième voyage, quelques mois plus tard, a été effectué avec le capitaine Ammar.

En 2023, nous avons réalisé trois transports de diesel depuis Barsasa vers Al-Salif.
Sept à huit mois plus tard, nous sommes partis vers la zone d’Umm Qarin, en Somalie, pour récupérer une cargaison depuis un sanbuk iranien, en présence de sept ou huit Iraniens et de marins somaliens.

Ces cargaisons comprenaient officiellement :

  • 3 000 cartons de riz,
  • 5 000 cartons de macaronis pour la première,
  • 10 000 cartons de macaronis et 5 000 cartons de riz pour la seconde.

Mais comme toujours, nous ignorions ce qui se trouvait réellement à l’intérieur.

Le Ramadan de l’année dernière, Yahya Janiya m’a appelé et m’a demandé de me rendre d’Al-Jarrahi à Al-Hudaydah.
J’y ai retrouvé Ibrahim Al-Mu’ayyad et deux de ses associés, ainsi que Yahya Janiya.
Ils nous ont conduits à Sanaa, dans un immeuble appartenant, disait-on, à Hamid Al-Ahmar.

Là, nous avons suivi une formation dite « culturelle » pendant les dix premiers jours du Ramadan, avec un groupe d’environ 28 à 30 personnes.
Après cette formation, nous sommes revenus à Al-Hudaydah.

Deux mois plus tard, Ibrahim Al-Mu’ayyad m’a rappelé pour me dire de préparer un nouveau voyage, présenté comme étant pour un commerçant nommé « Al-Hamzi » et « totalement légal ».
Nous sommes allés à Djibouti, d’où nous avons commencé une série de cargaisons — au total onze voyages.

Lors de la dernière mission, qui a conduit à notre arrestation, nous transportions :

  • compresseurs,
  • batteries (environ 270 pièces),
  • gros transformateurs électriques.

Lors du contrôle par les forces de Tariq, toutes les batteries ont été ouvertes devant nous, révélant qu’elles étaient remplies de munitions.
Les transformateurs électriques contenaient des pièces de missiles, et les compresseurs, des éléments servant également à assembler des missiles.

J’ai alors compris que nous avions, depuis le début, transporté du matériel militaire pour le compte des Houthis, et non des marchandises civiles.
Nous n’étions payés que 100 000 à 200 000 rials par voyage, ce qui est dérisoire par rapport aux profits que réalisaient les commanditaires.


E. Traduction – Partie 7

Témoignage de Mohammed Suleiman Mohammed Al-Muzaqaqi
Originaire d’Al-Hudaydah, quartier Al-Rabsa.

J’ai participé à deux cargaisons de contrebande avec Amer Masawa, toutes deux depuis Djibouti vers le port d’Al-Salif.
La troisième mission, celle où nous avons été arrêtés, consistait à transporter :

  • compresseurs,
  • générateurs,
  • moteurs à air,
  • sacs d’engrais.

J’ai été recruté par Mohammed Abdul-Taliq, qui m’a proposé de travailler avec lui.
Nous avons séjourné quelque temps à Al-Salif avant de partir pour Djibouti.
Nous avons livré les deux premières cargaisons sans incident, mais lors de la troisième, les forces de Tariq nous ont interceptés.

Lors de l’inspection, ils ont ouvert les batteries que nous pensions ordinaires et ont découvert qu’elles étaient remplies de munitions.
Les compresseurs, quant à eux, contenaient des missiles, des fusils de précision et d’autres équipements militaires.

J’ai été sous le choc en découvrant la vérité : nous pensions transporter des marchandises civiles, et non des armes lourdes.
Je considère que les maigres salaires versés aux marins (200 000 rials par voyage) ne sont pas seulement injustes, mais également une exploitation, car nous étions trompés sur la nature réelle de notre activité.


F. Traduction – Partie 8

Témoignage d’Ashraf Bakri Ahmed Zain
Résident du quartier Al-Rabsa, pêcheur de profession.

J’étais au chômage lorsque j’ai contacté Ahmed Talai pour lui demander du travail.
Il m’a répondu :

« D’accord, je vais voir avec Amer Masawa. »

Ce dernier a accepté, précisant qu’il s’agissait de travail dans la contrebande de cargaisons telles que des batteries et des compresseurs.
J’ai donc voyagé avec le capitaine Amer Masawa et participé à trois missions de contrebande depuis Djibouti vers le port d’Al-Salif.

Lors de la quatrième mission, alors que je dormais, j’ai été réveillé par le bruit de tirs.
On nous a annoncé que nous devions stopper car des patrouilles maritimes de Tariq nous interceptaient.
Les inspecteurs ont ouvert les cargaisons et découvert que les batteries contenaient des munitions, et que les compresseurs dissimulaient des armes sophistiquées.

Nous avons été arrêtés et transportés en détention.
Chaque mission me rapportait 200 000 rials, une somme modeste au regard des risques encourus et de la nature réelle des cargaisons, dont nous ignorions le contenu militaire.


G. Traduction – Partie 9

Témoignage de Mohammed Abdul Mohammed Taliq
Originaire du district d’Al-Hawk, gouvernorat d’Al-Hudaydah.

Je travaille comme cuisinier sur les sanabik et les bateaux à moteur.
J’ai été recruté par Mohammed Abdul-Taliq, qui m’a proposé de préparer les repas à bord.

Mon salaire était de 130 000 rials pour la cuisine et de 200 000 rials pour la mission complète, incluant les primes.

Le travail consistait à transporter des cargaisons depuis Djibouti jusqu’au port d’Al-Salif.
Ces cargaisons comprenaient officiellement :

  • batteries,
  • compresseurs,
  • générateurs électriques.

J’ai participé à cinq missions avant celle où nous avons été interceptés.
Nous pensions que la marchandise était légale, mais lors du contrôle, les inspecteurs ont ouvert les batteries et trouvé qu’elles étaient remplies de munitions.
Les compresseurs contenaient des missiles et divers équipements militaires lourds.

Ce fut pour moi un choc total : ce que je croyais être un travail ordinaire de transport s’est avéré être du trafic d’armes lourdes, destiné à alimenter l’effort militaire des Houthis.

HCH

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared