Djibouti et l’OIT : un déni persistant des principes syndicaux fondamentaux

Djibouti et l’OIT : un déni persistant des principes syndicaux fondamentaux

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La 113e Conférence internationale du Travail (CIT) a une nouvelle fois mis en lumière les violations systémiques par Djibouti de ses engagements envers l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le rapport de la Commission de vérification des pouvoirs (CVP) et les autres rapports révèlent un schéma inquiétant de non-respect des conventions fondamentales, malgré vingt-cinq ans de procédures de suivi. (Deuxième rapport de la Commission de vérification des pouvoirs (2025) | International Labour Organization)

  1. Les violations structurelles

Depuis 1997, Djibouti est régulièrement épinglé pour ses entorses à la Convention n°87 sur la liberté syndicale et à la Convention n°98 sur le droit de négociation collective. La plainte déposée par l’Intersyndicale UDT/UGTD documente des pratiques récurrentes :

– Usurpation institutionnalisée : Le gouvernement désigne systématiquement des délégués « clones » issus de syndicats fantômes créés en 1999, marginalisant les véritables représentants ouvriers.

– Ingérence étatique : Les articles 214-215 du Code du travail permettent la dissolution administrative arbitraire des syndicats et imposent des conditions restrictives à leur création.

– Répression ciblée : Confiscation des passeports des leaders syndicaux légitimes (Adan Mohamed Abdou), licenciements abusifs et harcèlement judiciaire des militants.

2. Le déni persistant devant la CIT

Le rapport de la CVP (ILC.113/Compte rendu n°1B) souligne l’absence totale de progrès malgré huit années de procédure de suivi :

– Le gouvernement a soumis un rapport « identique aux précédents » (paragraphe 16), sans répondre aux demandes précises de la CIT sur l’établissement de critères de représentativité.

– Il invoque un « système de rotation » entre l’UDT et l’UGTD, alors que le même délégué gouvernemental est désigné depuis 2019 (paragraphe 16).

– Aucune avancée sur le projet de décret relatif à la représentativité syndicale, pourtant annoncé depuis des années.

  • L’échec des mécanismes de contrôle

La réaction de la CVP traduit une impuissance institutionnelle face au blocage djiboutien :

– Elle reconnaît ses « doutes sérieux » sur la représentativité des délégués (paragraphe 53) mais se limite à reconduire la procédure de suivi.

– Elle déplore l’absence de coopération du gouvernement qui « fait fi » de ses recommandations (paragraphe 17).

– Le rapport UDDESC 2024-2025 atteste que ces violations s’inscrivent dans un cadre plus large d’atteintes aux droits civils et politiques.

4. Un défi pour le système international

Ce cas pose une question fondamentale : comment garantir l’effectivité des normes internationales face à un État récalcitrant ? Djibouti exploite les failles du système :

– En instrumentalisant la demande « d’assistance technique » pour gagner du temps.

– En opposant un déni aux allégations de clonage syndical sans fournir de preuves contraires (paragraphe 52).

– En ignorant les décisions du Comité de la liberté syndicale (cas n°1851, 1922, 2042).

5. Conclusion : L’urgence d’une action ferme

Le rapport de la 113e CIT confirme que Djibouti bafoue durablement les principes fondateurs de l’OIT. Après un quart de siècle de dialogues stériles et 18 sessions de suivi, l’heure n’est plus aux « regrets » de la Commission mais à l’application de l’article 37 de la Constitution de l’OIT : saisine de la Cour internationale de Justice pour avis contraignant. Sans conséquences tangibles, le système de protection internationale des droits syndicaux risque de perdre toute crédibilité face aux États qui en bafouent impunément les principes.

Hassan Cher

The English translation of the article in French.

Djibouti and the ILO: a persistent denial of fundamental trade union principles

The 113th International Labour Conference (ILC) once again highlighted Djibouti’s systemic violations of its commitments to the International Labour Organization (ILO). The report of the Credentials Committee (CVP) and other reports reveal a disturbing pattern of non-compliance with fundamental conventions, despite twenty-five years of monitoring procedures. (Second report of the Credentials Committee (2025) | International Labour Organization)

1.            Structural violations

Since 1997, Djibouti has been regularly singled out for its breaches of Convention 87 on freedom of association and Convention 98 on the right to collective bargaining. The complaint lodged by the UDT/UGTD Intersyndicale documents recurrent practices:

– Institutionalized usurpation: The government systematically appoints « clone » delegates from phantom unions created in 1999, marginalizing genuine workers’ representatives.

– State interference: Articles 214-215 of the Labor Code allow the arbitrary administrative dissolution of unions and impose restrictive conditions on their creation.

– Targeted repression: Confiscation of passports of legitimate union leaders (Adan Mohamed Abdou), unfair dismissals and judicial harassment of activists.

2. The persistent denial before the ILC

The CVP report (ILC.113/Account No. 1B) highlights the total lack of progress despite eight years of monitoring procedure:

– The government submitted a report « identical to the previous ones » (paragraph 16), without responding to the ILC’s specific requests concerning the establishment of representativeness criteria.

– It invokes a « rotation system » between the UDT and the UGTD, while the same government delegate has been appointed since 2019 (paragraph 16).

– No progress has been made on the draft decree on trade union representativeness, which has been on the table for years.

3.            The failure of control mechanisms

The CVP’s reaction reflects its institutional powerlessness in the face of Djibouti’s stalemate:

– It acknowledges its « serious doubts » about the representativeness of the delegates (paragraph 53), but limits itself to renewing the monitoring procedure.

– It deplored the lack of cooperation from the government, which « disregarded » its recommendations (paragraph 17).

– The UDDESC 2024-2025 report attests that these violations are part of a broader framework of breaches of civil and political rights.

4. A challenge for the international system

This case raises a fundamental question: how can the effectiveness of international standards be guaranteed in the face of a recalcitrant state? Djibouti exploits the flaws in the system:

– Using the request for “technical assistance” to gain time.

– By denying allegations of union cloning without providing evidence to the contrary (paragraph 52).

– By ignoring the decisions of the Committee on Freedom of Association (cases n°1851, 1922, 2042).

5. Conclusion: the urgent need for firm action

The report of the 113th ILC confirms that Djibouti has persistently flouted the founding principles of the ILO. After a quarter-century of fruitless dialogue and 18 follow-up sessions, it is no longer time for the Commission to express its « regrets », but to apply Article 37 of the ILO Constitution: referral to the International Court of Justice for a binding opinion. Without tangible consequences, the system of international protection of trade union rights risks losing all credibility in the face of states that flout its principles with impunity.

Hassan Cher

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared