
Djibouti : Ismaïl Omar Guelleh face à ses contradictions dans JeuneAfrique, mensonges et opacité à Djibouti

Dans une interview fleuve accordée à Jeune Afrique en juin 2025, le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh (IOG) a présenté son bilan sous un jour flatteur, vantant stabilité économique, progrès sociaux et gouvernance vertueuse. Pourtant, l’examen minutieux de ses déclarations, confronté à un rapport accablant sur la dissolution du Fonds Souverain de Djibouti (FSD) et aux investigations du média indépendant HCH24, révèle un tissu de contradictions et de mensonges éhontés. Voici comment le chef de l’État, au pouvoir depuis 26 ans, manipule la réalité.
1. Le Fonds Souverain : une dissolution « nécessaire » masquant un scandale financier
La version Guelleh :
« L’idée de départ [du FSD] était bonne, mais nous nous sommes rapidement rendu compte que la surface capitalistique de l’État djiboutien n’était pas suffisante ». Il accuse l’ancien directeur Slim Feriani de « classer les responsables par appartenances tribales », justifiant ainsi la dissolution par décret du 27 avril 2025.
La réalité documentée :
Le rapport sur la dissolution illégale du FSD démontre que :
– Le FSD détenait 1,5 milliard de dollars (37% du PIB), alimenté par des fonds publics dont les réserves de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), violant leur destination légale.
– Sa dissolution unilatérale par décret présidentiel (n°2025-098/PRE) bafoue les articles L.301-28 et L.301-29 du Code de commerce et la Constitution (Art.66), sans consultation de l’Assemblée.
– Aucun rapport d’audit n’a été produit depuis fin 2021, en violation des Principes de Santiago et de la Convention de l’ONU contre la corruption (Art.9-10).
Le mensonge éhonté :
IOG omet que l’ex-ministre du Budget Abdoulkarim Aden Cher, opposé à la création du FSD, fut arrêté en mars 2022 après avoir dénoncé la « mauvaise gouvernance ». Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a qualifié son emprisonnement d' »arbitraire » (Avis n°67/2024). Comme le relève HCH24, cette dissolution précipitée a permis de couvrir des détournements massifs via des sociétés écrans offshore.
2. Pauvreté et emploi : des chiffres trafiqués
La version Guelleh :
Il conteste le taux de pauvreté de 37% avancé par la Banque Mondiale, affirmant qu’il « doit être divisé par deux ». Il vante « 90% d’accès à l’eau potable » et « 76% d’électricité », présentant Djibouti comme un « îlot de prospérité ».
La réalité documentée :
– Le rapport du FSD estime que le détournement des fonds a privé 200 000 personnes de sortie de la pauvreté. La Banque Mondiale confirme que 22,5% des Djiboutiens vivent avec moins de 1,90$/jour.
– Le taux de chômage réel avoisine 47% (contre 32% officiels), avec seulement 9,6% de la population active dans le secteur formel.
– Les « réalisations » citées par IOG sont minées par :
– Un déficit budgétaire record (-2,6% du PIB en 2023).
– Une dette publique « insoutenable » (FMI) à 60,8% du PIB, dont 86,5% due à la Chine.
Le déni catastrophique :
Alors que IOG clame « aimer son pays trop pour l’embarquer dans une aventure irresponsable », la dissolution du FSD a annihilé des investissements vitaux dans la santé et l’éducation. Les 500 millions de dollars détournés auraient permis :
– La construction de 50 centres de santé et la formation de 1 000 professionnels médicaux.
– 200 écoles primaires et 50 lycées modernes (HCH24, 15/05/2025).
3. Gouvernance : l’opacité érigée en système
La version Guelleh :
Il se décrit comme « sincère » et prône « l’honnêteté », assurant que Djibouti évite les « aventures irresponsables ». Sur sa réélection en 2026, il botte en touche : « Je ne répondrai pas à cette question ».
La réalité documentée :
– Le FSD illustre une gouvernance mafieuse :
– Les Principes de Santiago (transparence, reporting) ont été systématiquement violés.
– Le liquidateur du FSD fut nommé discrétionnairement, facilitant le blanchiment d’actifs.
– L’Indice mondial du crime organisé 2023 attribue à Djibouti un score de 3/10 en transparence gouvernementale.
– Le rapport MENAFATF (2024) note des « vulnérabilités criantes » dans la lutte contre le blanchiment.
L’hypocrisie du « patriote » :
Alors qu’IOG accuse les Émirats de « déstabilisation », il omet leur rôle dans le sabotage de l’élection du Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf à la tête de l’UA (page 5 de l’interview). Pire : les bases militaires étrangères (dont le loyer français passé à 85M$/an) servent de rente à un clan, comme le dénonce HCH24 : « La famille Guelleh contrôle 70% de l’économie via des prête-noms » (enquête du 10/04/2025).
Conclusion : Le naufrage d’une nation
Les contradictions d’Ismaïl Omar Guelleh ne sont pas des erreurs isolées, mais les symptômes d’un système fondé sur le mensonge institutionnalisé. Tandis qu’il se présente en « capitaine » protégeant Djibouti des tempêtes, il a sabordé l’outil de développement (FSD) qui aurait pu sortir le pays de la pauvreté. Son discours lénifiant sur « l’unité nationale » et les « réalisations » cache une réalité accablante :
– Une jeunesse sacrifiée (60% de chômeurs).
– Des services publics en déliquescence (taux de mortalité infantile de 48‰).
– Une dette asphyxiante détenue par Pékin.
Comme le résume amèrement le rapport sur le FSD : « Le détournement de 1,5 milliard de dollars constitue une tragédie nationale dont les conséquences se feront sentir pendant des décennies ». Face à ce bilan, les « qualités » que s’attribue IOG – « sincérité » et « amour du pays » – sonnent comme une cruelle insulte aux Djiboutiens condamnés à l’exil ou à la misère.
Sources :
– Interview d’Ismaïl Omar Guelleh, Jeune Afrique N°3149, Juin 2025
– Rapport sur la dissolution illégale du Fonds Souverain de Djibouti (FSD), 2025
– Investigations de HCH24 (www.hch24.com) :
« FSD : l’arnaque du siècle » (03/05/2025)
« La famille Guelleh : l’empire invisible » (10/04/2025)
« Djibouti : la bombe sociale » (15/05/2025)
– Données Banque Mondiale, FMI, MENAFATF
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti: Ismaïl Omar Guelleh confronts his contradictions in JeuneAfrique, lies and opacity in Djibouti
In a lengthy interview with Jeune Afrique in June 2025, Djiboutian President Ismaïl Omar Guelleh (IOG) presented his record in a flattering light, praising economic stability, social progress and virtuous governance. However, close examination of his statements, together with a damning report on the dissolution of the Fonds Souverain de Djibouti (FSD) and investigations by the independent media HCH24, reveals a web of contradictions and blatant lies. Here’s how the Head of State, who has been in power for 26 years, manipulates reality.
1. The Sovereign Wealth Fund: a « necessary » dissolution masking a financial scandal
Guelleh’s version:
« The initial idea [of the SDF] was good, but we quickly realized that the capital surface of the Djiboutian state was not sufficient ». He accuses former director Slim Feriani of « classifying officials by tribal affiliation », thus justifying the dissolution by decree of April 27, 2025.
Documented reality:
The report on the illegal dissolution of the SDF shows that :
– The SDF was holding $1.5 billion (37% of GDP) in public funds, including the reserves of the Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), in violation of their legal purpose.
– Its unilateral dissolution by presidential decree (n°2025-098/PRE) flouts articles L.301-28 and L.301-29 of the Commercial Code and the Constitution (Art.66), without consulting the Assembly.
– No audit report has been produced since the end of 2021, in violation of the Santiago Principles and the UN Convention against Corruption (Art.9-10).
A blatant lie:
IOG omits the fact that former Budget Minister Abdoulkarim Aden Cher, who opposed the creation of the SDF, was arrested in March 2022 after denouncing « bad governance ». The UN Working Group on Arbitrary Detention described his imprisonment as « arbitrary » (Opinion n°67/2024). As HCH24 points out, this hasty dissolution provided cover for massive embezzlement via offshore shell companies.
2. Poverty and employment: doctored figures
Guelleh’s version:
He disputes the World Bank’s poverty rate of 37%, claiming that it « must be halved ». He boasts « 90% access to drinking water » and « 76% electricity », presenting Djibouti as an « island of prosperity ».
Documented reality:
– The SDF report estimates that the misappropriation of funds has prevented 200,000 people from escaping poverty. The World Bank confirms that 22.5% of Djiboutians live on less than $1.90 a day.
– The real unemployment rate is close to 47% (against an official 32%), with only 9.6% of the working population in the formal sector.
– The « achievements » cited by IOG are undermined by :
– A record budget deficit (-2.6% of GDP in 2023).
– An « unsustainable » public debt (IMF) of 60.8% of GDP, 86.5% of which is owed to China.
Catastrophic denial:
While IOG claims to « love his country too much to embark on an irresponsible adventure », the dissolution of the SDF has wiped out vital investments in health and education. The 500 million dollars embezzled would have enabled :
– The construction of 50 health centers and the training of 1,000 medical professionals.
– 200 elementary school and 50 modern high schools (HCH24, 15/05/2025).
3. Governance: opacity as a system
The Guelleh version:
He describes himself as « sincere » and advocates « honesty », assuring us that Djibouti avoids « irresponsible adventures ». On his re-election in 2026, he brushes it aside: « I won’t answer that question ».
Documented reality:
– The SDF illustrates mafia-style governance:
– The Santiago Principles (transparency, reporting) were systematically violated.
– The liquidator of the SDF was appointed on a discretionary basis, facilitating asset laundering.
– The Global Organized Crime Index 2023 gives Djibouti a score of 3/10 for government transparency.
– The MENAFATF report (2024) notes « glaring vulnerabilities » in the fight against money laundering.
The hypocrisy of the « patriot »:
While IOG accuses the Emirates of “destabilization”, he omits their role in sabotaging the election of Djibouti’s Mahamoud Ali Youssouf as head of the AU (page 5 of the interview). Worse still, foreign military bases (whose French rent has risen to $85m/year) serve as a source of income for a clan, as denounced by HCH24: « The Guelleh family controls 70% of the economy via nominees » (investigation of 10/04/2025).
Conclusion: the shipwreck of a nation
Ismaïl Omar Guelleh’s contradictions are not isolated errors, but the symptoms of a system based on institutionalized lies. While he presents himself as the « captain » protecting Djibouti from storms, he has scuttled the development tool (FSD) that could have lifted the country out of poverty. His soothing talk of « national unity » and « achievements » conceals a damning reality:
– Sacrificed youth (60% unemployed).
– Public services in decay (infant mortality rate of 48‰).
– A suffocating debt held by Beijing.
As the SDF report bitterly sums up, « The detour of $1.5 billion constitutes a national tragedy whose consequences will be felt for decades to come. » Given this record, the « qualities » that IOG attributes to himself – « sincerity » and « love of country » – sound like a cruel insult to Djiboutians condemned to exile or misery.
Sources :
– Interview with Ismaïl Omar Guelleh, Jeune Afrique N°3149, June 2025
– Report on the illegal dissolution of the Fonds Souverain de Djibouti (FSD), 2025
– Investigations by HCH24 (www.hch24.com):
« FSD : l’arnaque du siècle » (03/05/2025)
« La famille Guelleh : l’empire invisible » (10/04/2025)
« Djibouti : la bombe sociale » (15/05/2025)
– Data World Bank, IMF, MENAFATF
Hassan Cher