
Djibouti / Mer Rouge : Les Forces de Résistance Nationale yéménite interceptent des armes en provenance de Djibouti et Washington et Paris pressent le régime de Guelleh.
Dans une opération d’envergure qualifiée de « la plus importante saisie d’armes conventionnelles iraniennes de pointe de leur histoire », les Forces de Résistance Nationale yéménites (NRF), sous le commandement de Tariq Saleh, membre du Conseil de Direction Présidentiel (CDP), ont intercepté le 16 juillet 2025 dernier un grand boutre transportant une cargaison massive d’armement sophistiqué en provenance d’Iran. Le boutre, en provenance de Djibouti et qui était en route vers Hodeida, a été arraisonnés.
- Saisie sans précédent et origine Iranienne confirmée
Les NRF ont annoncé la confiscation de plus de 750 tonnes de munitions et d’équipements militaires. Le butin comprendrait des centaines de missiles de croisière, de missiles antinavires, de missiles antiaériens, d’ogives, de systèmes de guidage et de divers composants, ainsi que des centaines de moteurs de drones, des équipements de défense aérienne, des systèmes radar et du matériel de communication. Selon les forces yéménites, la découverte de manuels techniques en langue perse et l’identification de matériels fabriqués par une entreprise affiliée au ministère iranien de la Défense – elle-même sous sanctions américaines – confirment l’origine iranienne de la cargaison.
2. Destination et Route du Trafic
Les NRF affirment que cette cargaison illégale, transitant par des dépôts à Djibouti appartenant à l’organisation désignée comme la plus puissante organisation mafieuse d’Afrique, Qawlaysato, était destinée aux rebelles Houthis, soutenus militairement et politiquement par Téhéran. Les forces yéménites ont déclaré que cette opération s’inscrivait dans leur soutien aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et témoignait de leur engagement en faveur d’un Yémen sûr et de la stabilité de la mer Rouge et du golfe d’Aden.
3. Soutien International et Condamnation de l’Iran
L’opération a reçu les éloges du général Michael Erik Kurilla, commandant du Commandement central américain (CENTCOM). Dans une déclaration, il a salué les efforts des NRF, qu’il qualifie de « forces du gouvernement légitime yéménite » : « Nous saluons les forces […] qui continuent d’empêcher le flux de munitions iraniennes destinées aux Houthis. L’interception de cette cargaison iranienne massive démontre que l’Iran demeure l’acteur le plus déstabilisateur de la région. Combattre et stopper le soutien iranien aux Houthis est essentiel à la sécurité et à la stabilité de la région, ainsi qu’à la liberté de navigation dans la mer Rouge. »
4. NOTE : Extrait WikiLeaks sur les relations Yémen-Djibouti (4 janvier 2010)
Dans un câble diplomatique américain classifié « SECRET/NOFORN » (janvier 2010) révélé par WikiLeaks, le président yéménite Ali Abdallah Saleh s’est plaint au général Petraeus de la contrebande en provenance de Djibouti. Il affirmait que les autorités yéménites avaient intercepté « quatre conteneurs de TNT » djiboutiens.
Saleh a formulé une requête cynique à transmettre au président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh :
« Dites à Ismail Omar Guelleh que je ne m’inquiète pas s’il fait de la contrebande de whisky au Yémen – à condition que ce soit du bon whisky – mais pas d’armes ou de drogue ».
Il a également dénoncé la corruption généralisée aux frontières, soulignant que « les contrebandiers de tous bords corrompent à la fois les gardes-frontières saoudiens et yéménites ».
Ce dialogue illustre les tensions sécuritaires entre les deux pays, dans un contexte où le Yémen réclamait davantage d’assistance maritime (bateaux-patrouille) pour contrôler ses côtes.
Source : Compte-rendu de l’entretien Saleh-Petraeus (Ambassade US à Sanaa, 4 janvier 2010 à 13h33 minutes) – Canonical ID : 10SANAA4_a.
5. Pressions diplomatiques sur Djibouti
Les répercussions de cette saisie se sont rapidement étendues à la scène diplomatique, visant particulièrement Djibouti, point de transit du trafic. Dès le 18 juillet 2025, le secrétaire d’État américain Marco Rubio s’est entretenu par téléphone avec le président djiboutien Ismail Omar Guelleh. Leur discussion a porté sur « l’importance du maintien de la paix et de la sécurité en mer Rouge et dans la Corne de l’Afrique ». Selon les informations, les États-Unis ont demandé au gouvernement djiboutien « de participer pleinement à la lutte régionale contre le terrorisme et au maintien de la paix en Afrique de l’Est », faisant référence implicite au rôle de Djibouti dans ce trafic d’armes.
Cette pression s’est intensifiée le 22 juillet 2025 avec un appel téléphonique du président français Emmanuel Macron au président Ismail Omar Guelleh. La présidence djiboutienne a confirmé dans un communiqué qu’ils ont abordé « plusieurs questions régionales et internationales ». Le chef de l’État français a « exprimé sa préoccupation face à la dégradation de la situation sécuritaire dans la Corne de l’Afrique et autour de la mer Rouge ». La France a officiellement exigé du régime djiboutien « la pleine participation de l’état djiboutien à la lutte contre le terrorisme et les trafics d’armes en mer rouge et la Corne d’Afrique », mettant directement en cause le laxisme du côté de Djibouti.
6. Contexte institutionnel
Il est rappelé que le Conseil de Direction Présidentiel (CDP) est « une institution exécutive transitoire collégiale mise en place le 7 avril 2022 pour succéder au président de la République Abdrabbo Mansour Hadi » et qu’il dirige la branche exécutive reconnue par une partie de la communauté internationale.
Cette saisie historique et les réactions diplomatiques qui ont suivi soulignent l’intensité des tensions régionales et l’importance stratégique du contrôle des voies maritimes autour du de Bab el-Mandeb, alors que le trafic d’armes vers les Houthis reste un facteur clé de la prolongation du conflit. La pression internationale sur Djibouti pour qu’il contrôle son territoire et ses infrastructures portuaires atteint un niveau sans précédent.
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti/Red Sea: Yemeni National Resistance Forces intercept weapons from Djibouti and Washington and Paris press Guelleh’s regime.
In a major operation described as ‘the largest seizure of advanced Iranian conventional weapons in their history’, the Yemeni National Resistance Forces (NRF), under the command of Tariq Saleh, a member of the Presidential Leadership Council (PLC), intercepted a large dhow carrying a massive cargo of sophisticated weaponry from Iran on 16 July 2025. The dhow, en route from Djibouti to Hodeida, was boarded.
1. Unprecedented seizure and Iranian origin confirmed
The NRF announced the confiscation of more than 750 tonnes of munitions and military equipment. The haul includes hundreds of cruise missiles, anti-ship missiles, anti-aircraft missiles, warheads, guidance systems and various components, as well as hundreds of drone engines, air defence equipment, radar systems and communications equipment. According to the Yemeni forces, the discovery of Persian-language technical manuals and the identification of equipment manufactured by a company affiliated to the Iranian Ministry of Defence – itself under US sanctions – confirm the Iranian origin of the shipment.
2. Destination and Route of the Traffic
The NRF claim that this illegal cargo, transiting through depots in Djibouti belonging to Qawlaysato, the organisation designated as the most powerful mafia organisation in Africa, was destined for the Houthi rebels, supported militarily and politically by Tehran. Yemeni forces said the operation was part of their support for UN Security Council resolutions and demonstrated their commitment to a secure Yemen and stability in the Red Sea and Gulf of Aden.
3. International support and condemnation of Iran
The operation was praised by General Michael Erik Kurilla, Commander of the US Central Command (CENTCOM). In a statement, he praised the efforts of the NRF, which he described as ‘forces of the legitimate Yemeni government’: « We salute the forces […] that continue to prevent the flow of Iranian munitions destined for the Houthis. The interception of this massive Iranian shipment demonstrates that Iran remains the most destabilising actor in the region. Combating and stopping Iranian support for the Houthis is essential for the security and stability of the region, as well as for freedom of navigation in the Red Sea. »
4. NOTE: WikiLeaks excerpt on Yemen-Djibouti relations (4 January 2010)
In a US diplomatic cable classified ‘SECRET/NOFORN’ (January 2010) revealed by WikiLeaks, Yemeni President Ali Abdallah Saleh complained to General Petraeus about smuggling from Djibouti. He claimed that the Yemeni authorities had intercepted ‘four containers of TNT’ from Djibouti.
Saleh made a cynical request to Djibouti’s President Ismail Omar Guelleh:
‘Tell Ismail Omar Guelleh that I don’t care if he smuggles whisky into Yemen – as long as it’s good whisky – but not arms or drugs’.
He also denounced the widespread corruption at the borders, pointing out that ‘smugglers on all sides are corrupting both the Saudi and Yemeni border guards’.
This dialogue illustrates the security tensions between the two countries, at a time when Yemen is calling for more maritime assistance (patrol boats) to control its coastline.
Source: Minutes of the Saleh-Petraeus meeting (US Embassy in Sanaa, 4 January 2010 at 13:33) – Canonical ID: 10SANAA4_a.
5. Diplomatic pressure on Djibouti
The repercussions of this seizure quickly spread to the diplomatic arena, targeting Djibouti in particular as a transit point for the traffic. On 18 July 2025, US Secretary of State Marco Rubio spoke by telephone with Djibouti’s President Ismail Omar Guelleh. Their discussion focused on ‘the importance of maintaining peace and security in the Red Sea and the Horn of Africa’. According to reports, the US asked the Djiboutian government ‘to participate fully in the regional fight against terrorism and in maintaining peace in East Africa’, an implicit reference to Djibouti’s role in the arms trade.
This pressure intensified on 22 July 2025 with a telephone call from French President Emmanuel Macron to President Ismail Omar Guelleh. The Djiboutian presidency confirmed in a statement that they had discussed ‘several regional and international issues’. The French head of state ‘expressed his concern at the deteriorating security situation in the Horn of Africa and around the Red Sea’. France officially demanded that the Djiboutian regime ‘fully participate in the fight against terrorism and arms trafficking in the Red Sea and the Horn of Africa’, directly questioning Djibouti’s laxity.
- Institutional context
It will be recalled that the Presidential Leadership Council (PLC) is ‘a collegiate transitional executive institution established on 7 April 2022 to succeed the President of the Republic Abdrabbo Mansour Hadi’ and that it heads the executive branch recognised by part of the international community.
This historic seizure and the diplomatic reactions that followed underline the intensity of regional tensions and the strategic importance of controlling the sea lanes around the Bab el-Mandeb, while arms trafficking to the Houthis remains a key factor in prolonging the conflict. International pressure on Djibouti to control its territory and port infrastructure has reached an unprecedented level.
Hassan Cher