Djibouti/Justice/France : L’affaire du financement libyen de la campagne Sarkozy, le rôle central et méconnu de Djibouti

Introduction
Alors que le dossier dit du « financement libyen » de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 vient de faire l’objet d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, une lecture attentive des 5 000 pages de l’instruction révèle le rôle pivot et jusqu’ici sous-estimé de Djibouti. Loin d’être une simple mention géographique, la petite nation de la Corne de l’Afrique apparaît comme une plateforme stratégique où se nouent des liens familiaux, des intérêts financiers opaques et des opérations d’influence au plus haut niveau.
- Aref Mohamed Aref : l’avocat djiboutien au carrefour des réseaux
Au cœur de ce réseau figure feu Aref Mohamed Aref, décrit dans l’ordonnance comme un « avocat djiboutien aux confins des affaires » (p. 49). Son profil est clé :
Représentant d’intérêts malaisiens : Il « représente à Djibouti les intérêts de la Malaisie dans certains dossiers », un point crucial alors que plusieurs montages financiers suspectés dans l’affaire transitent justement par la Malaisie (p. 49).
Homme de liaison d’Alexandre Djouhri : Il est identifié comme un « proche de Djouhri ». L’instruction évoque même une « entente formée par le trio DJOUHRI – NACER – AREF » dont le fonctionnement est détaillé (p. 279). Ses communications électroniques, placées sous surveillance, ont livré des listings informatiques suggestifs (p. 370).
Lien familial avec Wahib Nacer : Il est le beau-frère de Wahib Nacer, créant une alliance familiale au centre des investigations (p. 49).
2. Wahib Nacer : le financier et son ancrage djiboutien
Wahib Nacer, lui-même mis en examen pour une multitude de chefs (complicité de corruption, blanchiment en bande organisée, etc.), opérait depuis Djibouti.
Interrogatoire et mise en examen à Djibouti : Les 17 et 18 février 2019, une juge d’instruction de Djibouti, en présence d’un magistrat français, procède à son interrogatoire et sa mise en examen (p. 40). Ce détail procedural unique souligne l’importance territoriale de Djibouti dans l’enquête.
Opérateur depuis Djibouti : Des interceptions téléphoniques le montrent relançant, depuis Djibouti, l’ancien Premier ministre djiboutien Dileita Mohamed Dileita pour organiser une rencontre avec l’ex-dirigeant libyen Bechir Saleh, à la demande d’Alexandre Djouhri (p. 369 – Com N° 10312 CRT 13-168).
Lien familial avec l’ex-Premier ministre : Un SMS de sa part, daté du 1er janvier 2014, suggère fortement qu’il est le neveu de Dileita Mohamed Dileita (p. 369), tissant un lien direct avec le sommet de l’État djiboutien.
Réseau financier familial : Un email de Wahib Nacer mentionne qu’une entité nommée « AMEC » détient des accords impliquant sa « sœur djiboutienne », couvrant aussi les opérations de « DATCO en Suisse » (p. 377), indiquant un réseau d’affaires structuré autour de la famille.
3. Dileita Mohamed Dileita : l’ancien Premier ministre comme médiateur
La figure de Dileita Mohamed Dileita, ancien Premier ministre de Djibouti (2001-2013), émerge comme un facilitateur de haut niveau.
Médiateur en Libye : En mars 2014, Alexandre Djouhri organise un rendez-vous à Dubaï entre Bechir Saleh et Dileita, alors présenté comme « missionné comme médiateur par les actuelles autorités libyennes » (p. 366).
Lien familial avec Wahib Nacer : Le SMS de Nacer confirme le lien de parenté, plaçant l’ancien chef du gouvernement au cœur d’un réseau familial impliqué dans le dossier.
4. Djibouti : plateforme logistique et financière
Au-delà des individus, Djibouti elle-même apparaît comme une plateforme stratégique :
Hub relationnel et logistique : Le pays sert de base arrière et de centre de communications pour Wahib Nacer. Les liens familiaux avec l’exécutif djiboutien offrent un niveau de protection et de connectivité unique.
Carrefour d’intérêts internationaux : La représentation d’intérêts malaisiens par feu Aref Mohamed Aref à Djibouti illustre le rôle du pays comme interface pour des opérations économiques et financières internationales, souvent opaques.
5. Conclusion : Un maillon essentiel dans une chaîne complexe
L’ordonnance de renvoi peint le portrait d’un système où l’entregent, les liens familiaux et les circuits financiers opaques se combinent. Dans cette architecture, Djibouti n’est pas un acteur passif. À travers les figures de feu Aref Mohamed Aref, Wahib Nacer et Dileita Mohamed Dileita, le pays s’impose comme un nœud crucial : une plateforme de coordination, de médiation politique et de gestion d’intérêts financiers complexes, au service d’un réseau dont l’enquête judiciaire parisienne continue de démêler les fils.
Références précises extraites de l’ordonnance : Pages 40, 49, 279, 369, 370, 377, 366.
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti/Justice/France: The Libyan Financing of Sarkozy’s Campaign – Djibouti’s Central and Overlooked Role
Introduction
While the so-called “Libyan financing” case of Nicolas Sarkozy’s 2007 presidential campaign has just been referred to the criminal court, a close reading of the 5,000-page investigation reveals Djibouti’s pivotal and hitherto underestimated role. Far from being a mere geographic footnote, the small Horn of Africa nation emerges as a strategic platform where family ties, opaque financial interests, and high-level influence operations intersect.
1. Aref Mohamed Aref: The Djiboutian Lawyer at the Crossroads of Networks
At the heart of this network is the late Aref Mohamed Aref, described in the order as a “Djiboutian lawyer at the intersection of business affairs” (p. 49). His profile is key:
- Representative of Malaysian interests: He “represents Malaysian interests in certain cases in Djibouti,” a crucial point as several financial arrangements under suspicion in the case pass through Malaysia (p. 49).
- Liaison for Alexandre Djouhri: Identified as “close to Djouhri,” the investigation even refers to a “trio agreement formed by DJOUHRI – NACER – AREF,” with its functioning detailed (p. 279). His monitored electronic communications revealed suggestive computer listings (p. 370).
- Family link to Wahib Nacer: He is the brother-in-law of Wahib Nacer, forming a family alliance central to the investigation (p. 49).
2. Wahib Nacer: The Financier and His Djiboutian Base
Wahib Nacer, himself indicted on multiple charges (complicity in corruption, organized money laundering, etc.), operated from Djibouti.
- Interrogation and indictment in Djibouti: On 17-18 February 2019, a Djiboutian investigating judge, in the presence of a French magistrate, conducted his interrogation and indictment (p. 40). This unique procedural detail highlights Djibouti’s territorial importance in the investigation.
- Operator from Djibouti: Phone interceptions show him contacting former Djiboutian Prime Minister Dileita Mohamed Dileita from Djibouti to arrange a meeting with former Libyan leader Bechir Saleh, at Alexandre Djouhri’s request (p. 369 – Com N° 10312 CRT 13-168).
- Family link with the former Prime Minister: A text message dated 1 January 2014 strongly suggests he is Dileita Mohamed Dileita’s nephew (p. 369), establishing a direct link to Djibouti’s top leadership.
- Family financial network: An email from Nacer mentions an entity named “AMEC” holding agreements involving his “Djiboutian sister,” also covering “DATCO operations in Switzerland” (p. 377), indicating a structured business network centered on family.
3. Dileita Mohamed Dileita: The Former Prime Minister as Mediator
Former Djiboutian Prime Minister Dileita Mohamed Dileita (2001–2013) emerges as a high-level facilitator.
- Mediator in Libya: In March 2014, Alexandre Djouhri arranged a meeting in Dubai between Bechir Saleh and Dileita, who was then described as “appointed as mediator by the current Libyan authorities” (p. 366).
- Family link to Wahib Nacer: Nacer’s text message confirms the familial connection, placing the former head of government at the center of a family network involved in the case.
4. Djibouti: A Logistical and Financial Platform
Beyond individuals, Djibouti itself appears as a strategic hub:
- Relational and logistical hub: The country serves as a base and communications center for Wahib Nacer. Family ties with the Djiboutian executive provide a unique level of protection and connectivity.
- Intersection of international interests: the late Aref Mohamed Aref’s representation of Malaysian interests in Djibouti illustrates the country’s role as an interface for often opaque international economic and financial operations.
5. Conclusion: A Key Link in a Complex Chain
The referral order depicts a system where social capital, family ties, and opaque financial circuits converge. In this architecture, Djibouti is not a passive actor. Through the figures of Mohamed Aref, Wahib Nacer, and Dileita Mohamed Dileita, the country emerges as a crucial node: a platform for coordination, political mediation, and management of complex financial interests, serving a network that the Parisian judicial investigation continues to unravel.
Specific references from the order: Pages 40, 49, 279, 369, 370, 377, 366.
Hassan Cher


Previous Article
Next Article
Djibouti/DPWorld : Un tribunal des États-Unis rejette la demande d’annulation de la République de Djibouti portant sur les assignations bancaires.
10 Exercises For Slim Arms
Somalie : Al-Shabab, pourrait-elle conquérir le pouvoir en Somalie dès 2021 à travers la future alliance Al-Islah et Al-ihtisam ?
Éthiopie/Djibouti : Ismaël Omar Guelleh a donné l’ordre d’assassinat de l’artiste Maslax avec une balle dans la bouche.
Surfer Audio Post
Djibouti/Somaliland: Mohamed Said Guedi disposé à collaborer avec l’international sur le trafic d’armes d’Ismael Omar Guelleh d’après ses proches.
Somalie/Djibouti : le ministre délégué à la défense de la Somalie confirme que Djibouti livre des armes à Al-shabab.
Djibouti : Le Directeur général de la Police nationale, le colonel Abdillahi Abdi Farah menace d’expulser de Djibouti les Issas…