Djibouti : La Constitution, un nouvel instrument de répression du régime clanico-mafieux, Qawlaysato

La récente révision constitutionnelle à Djibouti, adoptée sous la Loi n°192/AN/25/9ème L, s’inscrit dans une logique politique où la Constitution — censée protéger la souveraineté populaire et la démocratie — devient au contraire un outil de verrouillage du pouvoir. Loin de renforcer la démocratie participative, cette réforme constitue un obstacle artificiel au pluralisme et à la participation citoyenne. La dernière ligne de l’article 23, en particulier, révèle une dérive autoritaire préoccupante qui viole à la fois les principes fondamentaux de la Constitution djiboutienne elle-même et les engagements internationaux du pays. Lien: LOI N°192/AN/25/9ème L PORTANT RÉVISION DE LA CONSTITUTION – eJO
1. Un obstacle artificiel à la démocratie participative
La démocratie participative repose sur l’égalité d’accès à la vie publique, la libre expression du suffrage et la pluralité des candidatures. En imposant une condition de résidence continue de cinq ans sur le territoire national avant toute éligibilité, la révision constitutionnelle érige une barrière sélective contre une partie des citoyens djiboutiens. Cette mesure vise principalement les opposants politiques, les militants en exil, les étudiants ou travailleurs vivant à l’étranger.
Une telle restriction contredit directement l’esprit de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantit à tout citoyen le droit de participer à la direction des affaires publiques « sans restrictions déraisonnables ». La clause de résidence de cinq ans, dénuée de justification légitime, constitue précisément une de ces restrictions déraisonnables. Elle transforme le droit électoral en privilège réservé à une élite locale étroitement liée au régime.
Cette réforme sape le principe de souveraineté populaire proclamé dans la Constitution djiboutienne : en excluant une partie du corps civique, le pouvoir restreint artificiellement la représentativité nationale et réduit le champ démocratique à un cercle de fidèles.
2. Un article répressif ciblant une partie de la population
La dernière ligne de l’article 23 a une portée clairement discriminatoire. Elle réserve explicitement des exceptions aux personnes « en mission pour le compte de l’État », ce qui instaure une inégalité de traitement entre citoyens. Autrement dit, un diplomate ou un haut fonctionnaire en poste à l’étranger conserve son éligibilité, tandis qu’un opposant politique ou un citoyen exilé pour des raisons économiques ou sécuritaires en est privé.
Cette distinction viole non seulement le principe d’égalité devant la loi (article 10 de la Constitution de Djibouti), mais aussi les normes de non-discrimination inscrites à l’article 2 du PIDCP et à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), garantissant la liberté de mouvement et le droit de revenir dans son pays. En d’autres termes, la Constitution est ici utilisée pour punir l’exil — souvent politique — et neutraliser les voix dissidentes.
Il s’agit d’un outil répressif à visée politique, visant à purger le champ électoral de toute opposition crédible. Cette mesure transforme la citoyenneté djiboutienne en un instrument d’exclusion et de contrôle social.
3. Une disposition contradictoire avec le reste de la Constitution
Ironiquement, la dernière ligne de l’article 23 contredit plusieurs dispositions de la propre Constitution qu’elle prétend compléter.
L’article 1 consacre Djibouti comme une République unie et démocratique fondée sur l’égalité et la justice. L’article 3 affirme que la souveraineté appartient au peuple, exercée par ses représentants élus.
Or, en restreignant arbitrairement le droit d’éligibilité, la révision prive une partie du peuple du pouvoir de se faire représenter ou d’élire librement des candidats de leur choix. Cette contradiction interne sape la cohérence juridique de la Constitution : un texte fondamental ne peut pas à la fois proclamer la souveraineté populaire et l’amputer d’une portion de ses détenteurs.
En pratique, cette incohérence traduit une stratégie politique : constitutionnaliser l’exclusion pour lui donner une apparence de légalité. Ce procédé rappelle les dérives d’autres régimes autoritaires qui ont, sous couvert de légalisme, transformé leurs constitutions en instruments de contrôle social et de répression politique.
4. Une violation des normes continentales et internationales
La dernière ligne de l’article 23 viole plusieurs engagements internationaux ratifiés par Djibouti.
D’abord, elle est incompatible avec la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, adoptée par l’Union africaine, qui exige que les États membres garantissent l’égalité d’accès à la vie politique et interdisent toute mesure discriminatoire limitant la compétition électorale.
Ensuite, cette clause viole l’article 13 de la DUDH et l’article 12 du PIDCP, qui protègent la liberté de circulation et le droit de chaque citoyen de revenir dans son pays. Interdire à des exilés politiques ou économiques de se présenter à une élection revient à criminaliser leur absence, alors que ces textes internationaux affirment explicitement que nul ne peut être privé arbitrairement du droit de retourner dans son pays.
Enfin, selon les principes de la Commission de Venise et du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, les restrictions d’éligibilité doivent être strictement proportionnées et justifiées par des objectifs légitimes. En l’espèce, aucune justification rationnelle ou sécuritaire ne peut légitimer une période de résidence aussi longue ni un traitement discriminatoire entre citoyens. Djibouti, en maintenant une telle disposition, s’écarte donc gravement de ses obligations internationales.
Conclusion : une Constitution confisquée
La Loi n°192/AN/25/9ème L ne modernise pas la Constitution djiboutienne : elle la détourne. En introduisant une clause de résidence discriminatoire et punitive, le régime transforme la loi fondamentale en instrument de répression politique, consolidant le pouvoir d’un clan mafieux au détriment du peuple. Cette réforme n’est pas un pas vers la démocratie participative, mais une régression institutionnelle, un verrou supplémentaire dans un système déjà fermé.
En ciblant les exilés, les opposants et la diaspora, le régime ne fait pas que restreindre des droits individuels : il confisque la citoyenneté elle-même. Djibouti, au lieu d’être un État de droit inclusif, devient ainsi un État de droit sélectif, où la Constitution sert non plus à protéger les citoyens, mais à les diviser et à les soumettre.
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti: The Constitution, a New Instrument of Repression by the Clan-Mafioso Regime, Qawlaysato
The recent constitutional revision in Djibouti, adopted under Law No. 192/AN/25/9th L, reflects a political logic in which the Constitution—originally meant to safeguard popular sovereignty and democracy—has instead become a tool for consolidating power. Far from strengthening participatory democracy, this reform represents an artificial obstacle to pluralism and civic participation. The final line of Article 23, in particular, reveals a troubling authoritarian drift that violates both the fundamental principles of Djibouti’s own Constitution and the country’s international commitments. Link: LOI N°192/AN/25/9ème L PORTANT RÉVISION DE LA CONSTITUTION – eJO
1. An Artificial Obstacle to Participatory Democracy
Participatory democracy is built on equal access to public life, the free expression of suffrage, and the plurality of candidacies. By imposing a requirement of five consecutive years of residence within the national territory as a condition of eligibility, the constitutional revision erects a selective barrier against a segment of Djibouti’s citizens. This measure primarily targets political opponents, exiled activists, students, and workers living abroad.
Such a restriction directly contradicts the spirit of Article 25 of the International Covenant on Civil and Political Rights (ICCPR), which guarantees every citizen the right to participate in public affairs “without unreasonable restrictions.” The five-year residency clause, lacking any legitimate justification, constitutes precisely such an unreasonable restriction. It transforms the right to run for office into a privilege reserved for a local elite closely aligned with the ruling regime.
This reform undermines the principle of popular sovereignty enshrined in Djibouti’s Constitution: by excluding a portion of the citizenry, the government artificially limits national representation and reduces the democratic sphere to a circle of loyalists.
2. A Repressive Article Targeting Part of the Population
The final line of Article 23 has an explicitly discriminatory character. It grants exemptions to those “on mission for the State,” thereby establishing unequal treatment among citizens. In other words, a diplomat or high-ranking official serving abroad retains eligibility, while an opposition figure or an exile—whether for political, economic, or security reasons—is deprived of it.
This distinction violates not only the principle of equality before the law (Article 10 of Djibouti’s Constitution), but also the non-discrimination norms laid out in Article 2 of the ICCPR and Article 13 of the Universal Declaration of Human Rights (UDHR), which guarantee freedom of movement and the right to return to one’s country. In other words, the Constitution is being used here to punish exile—often politically motivated—and to neutralize dissenting voices.
This is a repressive, politically motivated instrument, designed to cleanse the electoral field of any credible opposition. The measure transforms Djiboutian citizenship into a tool of exclusion and social control.
3. A Provision Contradicting the Constitution Itself
Ironically, the final line of Article 23 contradicts several provisions of the very Constitution it purports to amend.
Article 1 defines Djibouti as a united and democratic Republic founded on equality and justice. Article 3 declares that sovereignty belongs to the people, exercised through their elected representatives.
Yet, by arbitrarily restricting the right to stand for election, the revision deprives part of the people of their power to be represented or to freely choose their candidates. This internal contradiction undermines the legal coherence of the Constitution: a foundational text cannot both proclaim popular sovereignty and simultaneously strip a portion of citizens of that sovereignty.
In practice, this inconsistency reflects a calculated political strategy—to constitutionalize exclusion under the guise of legality. This technique recalls the tactics of other authoritarian regimes that, under a veneer of legality, have transformed their constitutions into instruments of social control and political repression.
4. A Violation of Continental and International Standards
The final line of Article 23 violates several international commitments ratified by Djibouti.
First, it is incompatible with the African Charter on Democracy, Elections and Governance, adopted by the African Union, which requires member states to guarantee equal access to political life and prohibits any discriminatory measures that restrict electoral competition.
Second, the clause violates Article 13 of the UDHR and Article 12 of the ICCPR, which protect freedom of movement and the right of every citizen to return to their country. Barring political or economic exiles from running for office effectively criminalizes their absence, even though these international texts explicitly affirm that no one may be arbitrarily deprived of the right to return home.
Finally, under the principles of the Venice Commission and the United Nations Human Rights Committee, eligibility restrictions must be strictly proportionate and justified by legitimate objectives. In this case, no rational or security-based argument can justify such a long residency requirement or such discriminatory treatment among citizens. By maintaining this provision, Djibouti gravely departs from its international obligations.
Conclusion: A Confiscated Constitution
Law No. 192/AN/25/9th L does not modernize Djibouti’s Constitution—it distorts it. By introducing a discriminatory and punitive residency clause, the regime turns the supreme law of the land into an instrument of political repression, consolidating the power of a clan-based mafia at the expense of the people. This reform is not a step toward participatory democracy but an institutional regression—another lock on an already closed system.
By targeting exiles, opposition figures, and the diaspora, the regime does more than restrict individual rights: it confiscates citizenship itself. Djibouti, instead of standing as an inclusive state governed by the rule of law, becomes a selective state of law, where the Constitution no longer protects citizens but divides and subjugates them.
Hassan Cher


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