Djibouti : Crise au sommet du Port de Djibouti SA – Le limogeage explosif de Djama Ibrahim Darar 

1. Qui est Monsieur Djama Ibrahim Darar ?

Djama Ibrahim Darar est une figure du secteur portuaire djiboutien. Titulaire d’un Baccalauréat professionnel en électromécanique obtenu en Allemagne, il intègre le Port Autonome International de Djibouti (PAID) en 1985. Sa carrière connaît une ascension fulgurante : nommé conseiller du Directeur Général du Port en 2000, il occupe ensuite des postes clés tels que Chef du Service des Achats Centralisés et Chef du Service Facturation et Documentation Portuaires. 

En 2008, après une mission d’expertise technique au Port de Dakar, il prend les rênes de la Direction Commerciale, cumulant la gestion opérationnelle du port. De 2017 à 2018, il dirige la Stratégie Portuaire et les Relations Publiques, tout en assurant régulièrement l’intérim du Directeur Général entre 2014 et 2019. Depuis novembre 2019, il occupe le poste stratégique de Directeur Général du Port de Djibouti SA et du Port polyvalent de Doraleh, supervisant des infrastructures vitales pour l’économie nationale et régionale. Son parcours, marqué par des responsabilités croissantes, fait de lui un confident du portuaire djiboutien. 

 2. De quoi Aboubaker Omar Hadi l’accuse ?

Le Président de l’Autorité des Ports et des Zones Franches de Djibouti (DPFZA), Aboubaker Omar Hadi, formule des accusations graves à l’encontre de Djama Ibrahim Darar dans un courrier officiel daté du 24 mars 2025. Ces reproches s’articulent autour de cinq axes majeurs : 

a)- Violation du décret présidentiel n° 2013-074/PRE 

Le courrier souligne une violation flagrante du Pacte d’Actionnaires de Port de Djibouti SA, approuvé par décret présidentiel. L’article 5.1(2) de cet accord impose l’établissement de règles strictes pour la gestion des opérations portuaires. Selon Hadi, Darar aurait ignoré ces obligations, compromettant la conformité légale et la transparence institutionnelle. 

b)- Externalisation opaque et surfacturation 

La direction de Darar est critiquée pour avoir externalisé des activités de manutention à des sociétés non réglementées, sélectionnées via des processus opaques. Ces choix auraient entraîné des coûts exorbitants pour les clients, comme en témoigne un tarif de 11,5 USD par tonne pour une courte distance de manutention, dépassant largement le coût du transport routier sur de plus longues distances. 

c)- Achat non autorisé d’équipements

Un achat d’équipements de manutention d’une valeur de 160 millions de DJF (environ 900 000 USD) est pointé du doigt. Selon Hadi, cette transaction, réalisée sans l’aval du conseil d’administration ni appel d’offres, violerait les procédures de gouvernance financière, soulevant des soupçons de détournement ou de favoritisme. 

d)- Détérioration accélérée des infrastructures 

Malgré des investissements massifs dans des équipements modernes, le courrier déplore leur destruction prématurée en sept ans. Cette situation refléterait une gestion négligente et un manque de maintenance, affectant directement l’efficacité opérationnelle du port. 

e)- Clientélisme dans l’accostage des navires 

Enfin, Aboubaker Omar Hadi dénonce l’abandon de la politique « premier arrivé, premier servi » au profit de pratiques clientélistes. Certains armateurs auraient bénéficié de priorités injustifiées, nuisant à l’équité et à la réputation du port. 

Ces accusations, étayées par des exemples concrets, s’inscrivent dans un contexte de dégradation du classement du port de Djibouti dans l’Indice de performance des ports à conteneurs (CPPI) de la Banque mondiale, passant de la 26e à la 379e place mondiale entre 2022 et 2023. 

 3. Comment Djama Ibrahim Darar a-t-il été écarté de son bureau ?  

Le 24 mars 2025, le Conseil d’administration de PDSA/DMP, présidé par Aboubaker Omar Hadi, annonce la nomination d’Ide Ahmed Mohamed au poste de Directeur Général Exécutif, gelant immédiatement toutes les dépenses du port. Le lendemain, Djama Ibrahim Darar refuse de quitter son bureau, contestant la légitimité de cette décision. 

Vers midi, Aboubaker Omar Hadi se rend sur place, escorté par des policiers, pour exiger son départ. Les témoignages et un enregistrement audio divulgué sur les réseaux sociaux décrivent un affrontement physique entre Darar, Hadi et les forces de l’ordre. Malgré sa résistance, Darar est finalement évincé de force, marquant un tournant dramatique dans cette crise institutionnelle. Lien: https://www.facebook.com/watch/?v=1437053064372820

4. Djama Ibrahim Darar a demandé le soutien de qui et que compte-t-il faire à la suite ?  

En situation de crise, Djama Ibrahim Darar a sollicité l’aide du colonel Mohamed Djama Doualeh, décrit comme son « protecteur » au sein des cercles sécuritaires. Dans un échange téléphonique, le colonel lui répond avec fatalisme : « On ne peut rien faire. La décision est déjà prise. La Première Dame a trouvé un Issaq et a tranché. Venge-toi comme tu peux. » 

Cette référence à la Première Dame et la référence à une ethnie « Issaq » suggère des tensions claniques et politiques sous-jacentes, liées aux équilibres de pouvoir à Djibouti. Frustré, Darar réplique avec une menace explosive : « Le rapport de la Banque mondiale de 2023 ne sera rien à côté de ce qui va venir. Ça va se savoir, et plusieurs dossiers hautement sensibles finiront dans les mains des amis occidentaux. » 

Selon des sources proches de l’ancien directeur, ces « dossiers sensibles » concerneraient des irrégularités financières, des contrats stratégiques opaques avec des puissances étrangères, des pratiques de corruption impliquant des hauts responsables et des trafics . Darar envisagerait se confesser auprès des amis occidentaux, espérant déclencher des enquêtes externes pour se disculper et déstabiliser ses adversaires. 

Cette escalade menace d’exposer des secrets d’État et de fragiliser davantage la position de Djibouti sur la scène internationale, notamment dans un contexte où le pays joue un rôle géostratégique clé, hébergeant des bases militaires étrangères. Lien : https://www.facebook.com/watch/?v=1437053064372820

Épilogue : Un avenir incertain pour le Port de Djibouti 

Cette crise révèle des fractures profondes au sein de la gouvernance djiboutienne, mêlant enjeux économiques, politiques et claniques. Alors que le nouveau directeur, Ide Ahmed Mohamed, tente de rétablir l’ordre, les menaces de Djama Ibrahim Darar pourraient plonger le pays dans une tempête médiatique et diplomatique sans précédent.

Hassan Cher

English translation of the article in French.

Djibouti: Crisis at the top of Port de Djibouti SA – The explosive dismissal of Djama Ibrahim Darar 

1. Who is Djama Ibrahim Darar?

Djama Ibrahim Darar is a leading figure in Djibouti’s port sector. Holder of a vocational baccalaureate in electromechanics obtained in Germany, he joined the Port Autonome International de Djibouti (PAID) in 1985. His career took off in leaps and bounds: appointed advisor to the Port’s General Manager in 2000, he went on to hold key positions such as Head of the Centralized Purchasing Department and Head of the Port Invoicing and Documentation Department. 

In 2008, following a technical expertise assignment at the Port of Dakar, he took over the reins of the Commercial Department, combining this with operational management of the port. From 2017 to 2018, he headed Port Strategy and Public Relations, while regularly acting as interim Managing Director between 2014 and 2019. Since November 2019, he has held the strategic position of Managing Director of the Port of Djibouti SA and the Doraleh Multipurpose Port, overseeing infrastructure vital to the national and regional economy. His career path, marked by increasing responsibilities, makes him a confidant of the Djiboutian port industry. 

 2. What is Aboubaker Omar Hadi accusing him of?

The Chairman of the Djibouti Ports and Free Zones Authority (DPFZA), Aboubaker Omar Hadi, makes serious accusations against Djama Ibrahim Darar in an official letter dated March 24, 2025. These accusations focus on five major areas: 

a)- Violation of presidential decree n° 2013-074/PRE 

The letter highlights a flagrant violation of Port de Djibouti SA’s Shareholders’ Agreement, approved by presidential decree. Article 5.1(2) of this agreement requires the establishment of strict rules for the management of port operations. According to Hadi, Darar ignored these obligations, compromising legal compliance and institutional transparency. 

b)- Opaque outsourcing and overcharging 

Darar’s management is criticized for outsourcing handling activities to unregulated companies, selected through opaque processes. These choices are said to have resulted in exorbitant costs for customers, as evidenced by a tariff of USD 11.5 per tonne for a short handling distance, far exceeding the cost of road transport over longer distances. 

c)- Unauthorized purchase of equipment

A purchase of handling equipment worth 160 million DJF (around 900,000 USD) is singled out. According to Hadi, this transaction, carried out without the approval of the Board of Directors or a call for tenders, would violate financial governance procedures, raising suspicions of misappropriation or favoritism. 

d)- Accelerated deterioration of infrastructures 

Despite massive investment in modern facilities, the letter deplores their premature destruction in the space of seven years. This situation reflects negligent management and a lack of maintenance, directly affecting the port’s operational efficiency. 

e)- Clientelism in ship berthing 

Finally, Aboubaker Omar Hadi denounced the abandonment of the “first come, first served” policy in favor of clientelist practices. Some shipowners are said to have benefited from unjustified priorities, damaging the port’s fairness and reputation. 

These accusations, backed up by concrete examples, come against a backdrop of deterioration in the port of Djibouti’s ranking in the World Bank’s Container Port Performance Index (CPPI), dropping from 26th to 379th place worldwide between 2022 and 2023. 

 3. How was Djama Ibrahim Darar removed from office? 

On March 24, 2025, the PDSA/DMP Board of Directors, chaired by Aboubaker Omar Hadi, announced the appointment of Ide Ahmed Mohamed as Executive General Manager, immediately freezing all expenditure at the port. The next day, Djama Ibrahim Darar refused to leave his office, disputing the legitimacy of the decision. 

Around midday, Aboubaker Omar Hadi went to the site, escorted by police officers, to demand his departure. Eyewitness accounts and an audio recording posted on social networks describe a physical confrontation between Darar, Hadi and the police. Despite his resistance, Darar was finally ousted by force, marking a dramatic turning point in this institutional crisis. Link: https://www.facebook.com/watch/?v=1437053064372820

4. Who has Djama Ibrahim Darar asked for support, and what does he intend to do next? 

In a crisis situation, Djama Ibrahim Darar sought the help of Colonel Mohamed Djama Doualeh, described as his “protector” within security circles. In a telephone conversation, the colonel replied fatalistically: “There’s nothing we can do. The decision has already been taken. The First Lady has found an Issaq and decided. Avenge yourself however you can.” 

This reference to the First Lady and the reference to an “Issaq” ethnic group suggests underlying clan and political tensions, linked to the balance of power in Djibouti. Frustrated, Darar retorts with an explosive threat: “The World Bank report of 2023 will be nothing compared to what’s to come. Word will get out, and several highly sensitive files will end up in the hands of Western friends.” 

According to sources close to the former director, these “sensitive files” concern financial irregularities, opaque strategic contracts with foreign powers, corrupt practices involving senior officials and trafficking. Darar is reportedly considering confessing to Western friends, hoping to trigger external investigations to clear his name and destabilize his opponents. 

This escalation threatens to expose state secrets and further weaken Djibouti’s position on the international stage, particularly in a context where the country plays a key geostrategic role, hosting foreign military bases. Link: https://www.facebook.com/watch/?v=1437053064372820

Epilogue: An uncertain future for the Port of Djibouti 

This crisis reveals deep fractures within Djiboutian governance, combining economic, political and clan issues. While the new director, Ide Ahmed Mohamed, attempts to restore order, Djama Ibrahim Darar’s threats could plunge the country into an unprecedented media and diplomatic storm.

Hassan Cher