Djibouti : Que ce qui se trame entre la Police Nationale et la Présidence de Djibouti ?

Djibouti : Que ce qui se trame entre la Police Nationale et la Présidence de Djibouti ?

Ad
Police Nationale de Djibouti

Alors que Djibouti s’affirme comme un acteur clé dans la stabilité régionale de la Corne de l’Afrique, une série d’événements récents met en lumière des tensions croissantes entre la Police Nationale et la présidence, révélant des fractures politiques et des allégations de corruption.

 1. Premier Forum mondial de coopération en matière de sécurité publique : Désobéissance et financements opaques 

Du 3 au 4 mai 2025, Addis-Abeba a accueilli le premier Forum mondial de coopération en matière de sécurité publique, réunissant des acteurs majeurs comme Andy Tsang Wai-hung, président du Forum, et des représentants de l’EAPCCO (Coopération des chefs de police d’Afrique de l’Est). La délégation djiboutienne devait initialement inclure le directeur général de la Police Nationale, le colonel Abdourahman Ali Kahin, le Colonel Abdoulkader Ibrahim Gona, et le Colonel Aïnache. Toutefois, le président Ismaël Omar Guelleh a annulé in extremis leur ordre de mission. 

Contre toute attente, le Colonel Abdourahman Ali Kahin, actuel Directeur Général de la Police Nationale, a ignoré l’injonction présidentielle et envoyé le Colonel Aïnache à Addis-Abeba. Les frais du voyage ont été couverts par la « caisse noire » de la police, soulevant des questions sur l’autonomie financière de l’institution et son éventuel contournement des procédures étatiques. 

2. Le Sommet mondial de la police de Dubaï : Une répétition du scénario éthiopien 

Quelques jours plus tard, du 13 au 15 mai 2025, Dubaï organise la 4ᵉ édition de son Sommet mondial de la police, un événement phare rassemblant des forces comme le FBI, INTERPOL, ou la police de New York. Djibouti devait y être représenté par le Colonel Abdourahman Ali Kahin, le Lieutenant-colonel Youssouf Iltireh Darar et le Colonel Mirgan Omar. Une fois encore, la présidence a annulé leur participation. 

Mais le Colonel Abdourahman Ali Kahin a récidivé : il a mandaté le Lieutenant-colonel Youssouf Iltireh Darar et le Colonel Mirgan Omar, financés une nouvelle fois par la caisse noire. Ces agissements répétés suggèrent un bras de fer entre le directeur de la police nationale et le pouvoir exécutif, alimentant les spéculations sur un conflit d’autorité.   

3. Uniformes défectueux et recrutement clientéliste : Un système à bout de souffle 

Alors que le pays prépare le défilé militaire du 27 juin 2025, un scandale éclate autour des nouveaux uniformes de la police. Les chaussures, de piètre qualité, se détériorent en moins d’un mois, et les tenues ne correspondent pas aux tailles des agents. Pire, le contrat d’approvisionnement de 75 millions de francs djiboutiens (FDJ) a été attribué de gré à gré à une proche de la Première dame, Kadra Mahamoud Haïd.  Cet argent emisse de la banque centrale de Djibouti est versé dans un compte bancaire privé à la BCIMR.

Parallèlement, le recrutement 2025, initialement prévu pour 500 policiers, a gonflé à 750 personnes. Des voix dénoncent une sélection basée sur la proximité avec le couple présidentiel (Guelleh/Haïd) et la mafia Qawlaysato. Ces pratiques minent la crédibilité de l’institution et alimentent un climat de défiance parmi les citoyens. 

4. Colonel Kahin vs la Première dame : Une lutte pour le contrôle de la police 

Au cœur de ces tensions se trouve le Colonel Abdourahman Ali Kahin, dont la relation avec la présidence semble irrémédiablement dégradée. Selon le sous-préfet de Damerjog, Abdoul Chahid dit « Cuba », le Colonel Abdourahman Ali Kahin serait contraint à une retraite anticipée juste après le défilé du 27 juin. Le président Guelleh aurait délégué son « dossier » à la Première dame, qui préparerait déjà sa succession via le Colonel Omar Hassan Matan, actuel directeur de la Sécurité Publique. 

Ces révélations soulèvent des questions sur l’ingérence politique dans les affaires policières. Kadra Mahamoud Haïd, déjà accusée d’influence dans l’attribution des marchés publics, apparaît comme une figure centrale dans cette restructuration, consolidant son emprise sur les appareils sécuritaires du pays à un tournant du pouvoir Guelleh/Haid. 

5. Le Secrétaire général du ministère de l’Intérieur : un « superviseur » en territoire policier 

Dans un contexte marqué par des tensions persistantes entre la présidence et la Police Nationale, la décision de rapatriement des migrants en situation irrégulière sur le territoire djiboutien a mis en lumière une fracture institutionnelle sans précédent. Alors que la police, dirigée par le Colonel Abdourahman Ali Kahin, est traditionnellement chargée des opérations d’expulsion et de l’enregistrement des données relatives aux migrants (pays de provenance, statut juridique, etc.), la présidence a choisi de court-circuiter son autorité, révélant une défiance profonde envers le directeur général. 

Pour garantir un contrôle total, le ministre de l’Intérieur a déployé une mesure inédite : installer le Secrétaire général de son ministère au sein même de la caserne centrale de la police nationale. Ce dernier a pour mission d’enregistrer directement les migrants concernés par les expulsions, en collectant leurs informations et en vérifiant leur identité, sans passer par les canaux habituels de la police. Une intrusion perçue comme une humiliation par les forces de l’ordre, dont les compétences sont publiquement remises en cause. 

6. Djibouti : Un équilibre précaire entre sécurité et politique 

Les récentes crises illustrent les défis d’une institution policière tiraillée entre missions et pressions domestiques. Dans un contexte régional marqué par les enjeux sécuritaires (terrorisme, trafics), Djibouti ne peut se permettre une instabilité prolongée de ses forces de l’ordre. La communauté internationale, attentive au rôle stratégique du pays, observera si les réformes annoncées rétabliront la transparence ou renforceront un système clientéliste. 

Alors que le Colonel Kahin approche de sa retraite forcée, l’ombre de la Première dame sur la Police Nationale symbolise une ère où sécurité et politique semblent inextricablement liées, au risque d’éroder la confiance publique.

Hassan Cher

English translation of the article in French.

Djibouti: What’s going on between the National Police and the Djibouti Presidency?

As Djibouti asserts itself as a key player in the regional stability of the Horn of Africa, a series of recent events highlights growing tensions between the National Police and the Presidency, revealing political fractures and allegations of corruption.

 1. First Global Forum on Public Security Cooperation: Disobedience and opaque funding 

From May 3 to 4, 2025, Addis Ababa hosted the first Global Forum on Public Security Cooperation, bringing together major players such as Andy Tsang Wai-hung, Forum Chairman, and representatives of EAPCCO (East African Police Chiefs Cooperation). The Djibouti delegation was initially due to include the Director General of the National Police, Colonel Abdourahman Ali Kahin, Colonel Abdoulkader Ibrahim Gona, and Colonel Aïnache. However, President Ismaël Omar Guelleh cancelled their mission orders at the last minute. 

Against all expectations, Colonel Abdourahman Ali Kahin, current Director General of the National Police, ignored the presidential injunction and sent Colonel Aïnache to Addis Ababa. The costs of the trip were covered by the police “slush fund”, raising questions about the institution’s financial autonomy and its possible bypassing of state procedures. 

2. The Dubai World Police Summit: a repeat of the Ethiopian scenario 

A few days later, from May 13 to 15, 2025, Dubai is organizing the 4ᵉ edition of its World Police Summit, a flagship event bringing together forces such as the FBI, INTERPOL, or the New York Police. Djibouti was to be represented there by Colonel Abdourahman Ali Kahin, Lieutenant-Colonel Youssouf Iltireh Darar and Colonel Mirgan Omar. Once again, the Presidency cancelled their participation. 

But Colonel Abdourahman Ali Kahin has done it again: he has appointed Lieutenant-Colonel Youssouf Iltireh Darar and Colonel Mirgan Omar, financed once again by the slush fund. These repeated actions suggest a power struggle between the director of the national police and the executive, fuelling speculation about a conflict of authority.  

3. Faulty uniforms and crony recruitment: a system on its last legs 

As the country prepares for the June 27, 2025 military parade, a scandal erupts around the new police uniforms. The poor-quality shoes deteriorate in less than a month, and the outfits don’t match the officers’ sizes. Worse still, the contract to supply 75 million Djibouti francs (FDJ) was awarded by mutual agreement to a close associate of the First Lady, Kadra Mahamoud Haïd.  The money, issued by the Central Bank of Djibouti, is deposited in a private bank account at BCIMR.

At the same time, recruitment 2025, initially planned for 500 police officers, has swelled to 750. Critics denounce a selection process based on proximity to the presidential couple (Guelleh/Haïd) and the Qawlaysato mafia. These practices undermine the credibility of the institution and fuel a climate of mistrust among citizens. 

4. Colonel Kahin vs. the First Lady: a struggle for control of the police force 

At the heart of these tensions is Colonel Abdourahman Ali Kahin, whose relationship with the presidency seems irreparably damaged. According to the sub-prefect of Damerjog, Abdoul Chahid dit “Cuba”, Colonel Abdourahman Ali Kahin was forced into early retirement just after the June 27 parade. President Guelleh is said to have delegated his “dossier” to the First Lady, who is already preparing her succession via Colonel Omar Hassan Matan, current Director of Public Security. 

These revelations raise questions about political interference in police affairs. Kadra Mahamoud Haïd, already accused of influence in the awarding of public contracts, appears to be a central figure in this restructuring, consolidating her hold on the country’s security apparatus at a turning point in the Guelleh/Haid era. 

5. The Secretary General of the Ministry Interior: a “supervisor” in police territory 

Against a backdrop of persistent tensions between the Presidency and the National Police, the decision to repatriate repatriation of irregular migrants on Djiboutian territory highlighted an unprecedented institutional fracture. While the headed by Colonel Abdourahman Ali Kahin, is traditionally responsible for responsible for deportation operations and recording data on migrants (country of origin, legal status, etc.), the presidency chose to bypass its authority, revealing a deep-seated mistrust of the director general. 

To guarantee total control, the Minister of the Interior took the unprecedented step of installing his Ministry’s Secretary General in the central barracks of the national police force. The latter’s mission is to directly register the migrants concerned by the expulsions, collecting their information and verifying their identity without going through the usual police channels. An intrusion perceived as a humiliation by the forces of law and order, whose competence publicly questioned. 

6. Djibouti: a precarious balance between security and politics 

Recent crises illustrate the challenges facing a police force torn between its missions and domestic pressures. In a regional context marked by security issues (terrorism, trafficking), Djibouti cannot afford prolonged instability of its law enforcement agencies. The international community, attentive to the country’s strategic role, will be watching to see whether the reforms announced will restore transparency or reinforce a clientelist system. 

As Colonel Kahin approaches his forced retirement, the First Lady’s shadow over the National Police symbolizes an era when security and politics seem inextricably linked, at the risk of eroding public confidence.

Hassan Cher

Ad
Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

There are 6 comments for this article