Djibouti : Violences ethniques au Centre d’Instruction Cheick-Moussa de PK23, une affaire sous silence et sous surveillance 

Djibouti : Violences ethniques au Centre d’Instruction Cheick-Moussa de PK23, une affaire sous silence et sous surveillance 

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1. Que s’est-il passé au Centre d’Instruction Cheick-Moussa ? 

Le 11 mars 2025, le Centre d’Instruction Cheick-Moussa, un établissement clé de formation de la Gendarmerie Nationale situé à PK23 (Balbala), a été le théâtre d’une violente rixe à caractère ethnique impliquant 17 jeunes recrues féminines issues des communautés Afar et Issa. Les tensions, latentes depuis des mois, ont éclaté en deux phases : 

– Le matin : Des altercations physiques (griffures, gifles, arrachages de cheveux) ont opposé les groupes, sans blessures graves. 

– À midi : La situation a dégénéré avec l’apparition d’armes blanches (couteaux, lames), utilisées lors d’une seconde confrontation généralisée. Aucun blessé grave n’a été signalé, mais les fouilles ont révélé que chaque recrue cachait des armes blanches sous son matelas, « comme dans les gangs de prisons américaines », selon un gradé de la garde républicaine sous couvert d’anonymat. 

Le directeur du stage, Yacin Moussa Djama, a déclenché l’alerte maximale et exigé l’intervention personnelle du chef de la Gendarmerie Nationale. Les 17 recrues ont finalement été placées en punition collective. 

2. Cette affaire relève-t-elle de la sécurité nationale ? 

Si les violences internes à un centre militaire pourraient sembler relever de la discipline institutionnelle, plusieurs éléments soulèvent des interrogations sur leur portée stratégique : 

– Contexte ethnique sensible : Djibouti, historiquement marqué par des tensions entre Afars et Issas, redoute toute escalade communautaire. Une rixe au sein d’un corps armé, creuset supposé de l’unité nationale, est perçue comme une menace pour la cohésion sociale. 

– Implication d’armes : La découverte d’armes blanches dissimulées suggère un déficit de contrôle dans une institution chargée de la sécurité publique. 

– Secret et surveillance : Le fait que seuls des enregistrements audio de la Garde Républicaine détaillent l’incident ajoute une dimension politique troublante. 

Pour le politologue Mohamed Ali, contacté par nos soins : « Une telle affaire, dans un pays où l’armée est un pilier du régime, ne peut être réduite à un simple conflit de caserne. Elle interroge la gestion des fractures ethniques par l’État. » 

3. Quelle est la cause de ces violences ? 

Les raisons immédiates restent floues, mais plusieurs hypothèses sont avancées : 

– Rivalités ethniques institutionnalisées : Malgré une éducation commune, les recrues reproduiraient des clivages historiques, exacerbés par des discours communautaristes en dehors du cadre militaire. 

– Défiance institutionnelle : La présence d’armes dissimulées traduit une méfiance mutuelle entre les recrues, peut-être alimentée par des rumeurs ou des provocations internes. 

– Contexte politique sous-jacent : Certains observateurs évoquent une instrumentalisation des tensions pour affaiblir le Colonel Zakaria Hassan Aden, seul chef de corps issu de l’ethnie Afar, suspecté de proximité avec la Première Dame, Kadra Mahamoud Haid. 

4. Pourquoi seule la Garde Républicaine détient-elle les enregistrements ? 

L’opacité entourant cette affaire est renforcée par le rôle central de la Garde Républicaine, dirigée par le Colonel Mohamed Djama Doualeh, proche du pouvoir. Plusieurs théories circulent : 

– Surveillance ciblée : La Garde Républicaine, bras armé du régime, surveillerait discrètement la Gendarmerie, jugée moins fiable politiquement. « Haramous [palais présidentiel] ne fait pas confiance au Colonel Zakaria », confie un officier supérieur sous anonymat. 

– Conflit de loyautés : Le G7 (cercle restreint du président Guelleh) utiliserait la Garde Républicaine pour contrôler les institutions, craignant des alliances entre la Gendarmerie et des figures comme la Première Dame. 

– Crise de légitimité : Le fait que ni la Sécurité Nationale (SDS) ni l’État-Major de l’armée nationale n’aient été informés révèle une fracture au sommet de l’appareil sécuritaire, où la Garde Républicaine agirait en « État dans l’État ». 

Conclusion : Un révélateur des failles djiboutiennes 

Cet incident, à première vue anodin, expose des failles profondes : ethnicisation des corps armés, méfiance inter-institutions, et opacité du pouvoir. Alors que Djibouti se présente comme un havre de stabilité dans la Corne de l’Afrique, la gestion de cette affaire rappelle que la sécurité nationale reste tributaire de jeux de loyautés claniques et politiques. 

Hassan Cher

English translation of the article in French.

Djibouti: Ethnic violence at the Centre d’Instruction Cheick-Moussa in PK23, a case under silence and surveillance 

1. What happened at the Centre d’Instruction Cheick-Moussa?  

On March 11, 2025, the Centre d’Instruction Cheick-Moussa, a key Gendarmerie Nationale training facility located in PK23 (Balbala), was the scene of a violent ethnic brawl involving 17 young female recruits from the Afar and Issa communities. Tensions, latent for months, erupted in two phases: 

– Morning: Physical altercations (scratching, slapping, hair-pulling) pitted the groups against each other, with no serious injuries. 

– At midday: The situation degenerated with the appearance of bladed weapons (knives, blades), used in a second generalized confrontation. No serious injuries were reported, but searches revealed that each recruit hid bladed weapons under his mattress, “like in American prison gangs”, according to a Republican Guard officer speaking on condition of anonymity. 

The course director, Yacin Moussa Djama, went on maximum alert and demanded the personal intervention of the head of the Gendarmerie Nationale. The 17 recruits were eventually placed under collective punishment. 

2. Is this a matter of national security? 

While internal violence at a military center might appear to be a matter of institutional discipline, several factors raise questions about its strategic significance: 

– Sensitive ethnic context: Djibouti, historically marked by tensions between Afars and Issas, fears any community escalation. A brawl within an armed corps, the supposed crucible of national unity, is perceived as a threat to social cohesion. 

– Involvement of weapons: The discovery of concealed edged weapons suggests a lack of control in an institution responsible for public security. 

– Secrecy and surveillance: The fact that only Republican Guard audio recordings detail the incident adds a troubling political dimension. 

For political analyst Mohamed Ali, contacted by us: “In a country where the army is a pillar of the regime, such an affair cannot be reduced to a simple barrack conflict. It calls into question the State’s management of ethnic divisions”. 

3. What is the cause of this violence? 

The immediate reasons remain unclear, but several hypotheses have been put forward: 

– Institutionalized ethnic rivalries: Despite a common education, recruits reproduce historical cleavages, exacerbated by communitarian discourse outside the military context. 

– Institutional distrust: The presence of concealed weapons reflects mutual distrust between recruits, perhaps fuelled by rumours or internal provocation. 

– Underlying political context: Some observers believe that tensions are being exploited to weaken Colonel Zakaria Hassan Aden, the only Afar commander, who is suspected of being close to the First Lady, Kadra Mahamoud Haid. 

4. Why do only the Republican Guard hold the recordings? 

The opacity surrounding this affair is reinforced by the central role played by the Republican Guard, headed by Colonel Mohamed Djama Doualeh, who is close to the government. Several theories are circulating: 

– Targeted surveillance: The Republican Guard, the regime’s armed wing, is said to be discreetly monitoring the Gendarmerie, which is considered less politically reliable. “Haramous [presidential palace] doesn’t trust Colonel Zakaria,” confides a senior officer, speaking on condition of anonymity. 

– Conflict of loyalties: the G7 (President Guelleh’s inner circle) is said to be using the Republican Guard to control the institutions, fearing alliances between the Gendarmerie and figures such as the First Lady. 

– Crisis of legitimacy: the fact that neither the Sécurité Nationale (SDS) nor the national army General Staff were informed reveals a fracture at the top of the security apparatus, where the Republican Guard is said to be acting as a “state within a state”.

Conclusion: A revelation of Djibouti’s flaws 

This incident, at first sight harmless, exposes deep-seated flaws: ethnicization of the armed forces, inter-institutional mistrust and opacity of power. While Djibouti presents itself as a haven of stability in the Horn of Africa, the handling of this affair is a reminder that national security remains dependent on clan and political loyalties. 

Hassan Cher

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared