
Djibouti : L’ONU exige la libération immédiate d’Abdoulkarim Aden Cher, un ancien ministre djiboutien détenu arbitrairement depuis 2022

1. La privation de liberté d’Abdoulkarim Aden Cher est-elle arbitraire ?
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rendu un avis sans équivoque : la détention d’Abdoulkarim Aden Cher, ancien ministre djiboutien du Budget et figure critique du régime, est arbitraire au regard du droit international. Dans son Avis n° 67/2024 adopté le 14 novembre 2024, le Groupe de travail conclut que cette privation de liberté viole quatre catégories définissant l’arbitraire :
– Catégorie I : Absence de base légale (arrestation sans mandat, détention provisoire prolongée sans justification).
– Catégorie II : Répression de l’exercice des libertés d’expression et de participation politique.
– Catégorie III : Violation grave du droit à un procès équitable (accès limité à un avocat, présomption d’innocence bafouée).
– Catégorie V : Discrimination fondée sur les opinions politiques.
Le rapport souligne que M. Aden Cher a été arrêté le 3 mars 2022, quelques heures après avoir publié un pamphlet dénonçant la « mauvaise gouvernance » et le « césarisme » du régime. Malgré des accusations officielles de corruption, le Groupe de travail estime que les preuves sont « prétextuelles » et liées à son opposition au président Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 1999.
2. Le Groupe de travail a-t-il ordonné la libération immédiate ?
Oui. Le Groupe de travail exige la libération immédiate d’Abdoulkarim Aden Cher et la réparation des préjudices subis, incluant une indemnisation (paragraphe 97). Il qualifie sa détention de « torture psychologique », pointant des conditions carcérales « inhumaines » à la prison de Gabode : surpopulation, absence de soins, cellules infestées d’insectes, et même un incendie suspect en novembre 2023.
3. Une enquête indépendante est-elle recommandée ?
Le Groupe de travail demande à Djibouti d’ouvrir une enquête indépendante sur les circonstances de cette détention arbitraire et de sanctionner les responsables (paragraphe 98). Il relève également des pressions sur la famille de M. Aden Cher : un proche évincé de son poste, un autre privé de passeport et de comptes bancaires.
4. Publication de l’avis : une obligation pour Djibouti
L’ONU somme Djibouti de diffuser largement cet avis (paragraphe 99), afin d’informer l’opinion publique et la communauté internationale. Cette demande vise à contrer la « stratégie de silence » dénoncée par la source, qui accuse les autorités de museler les critiques.
5. Suivi des recommandations : un délai de six mois
Conformément au paragraphe 20 des méthodes de travail, le Groupe de travail exige que Djibouti rende compte, sous six mois, des mesures prises pour :
– Libérer M. Aden Cher ;
– L’indemniser ;
– Enquêter sur les violations ;
– Réformer les lois et pratiques contraires aux droits humains.
6. Conséquences en cas de non-respect
Si Djibouti ignore cet avis, les conséquences seraient principalement politiques et diplomatiques :
– Pressions internationales accrues, via le Conseil des droits de l’homme.
– Rapports publics du Groupe de travail signalant l’inaction au Conseil et à l’Assemblée générale de l’ONU.
– Impact sur l’image du pays, déjà critiqué pour ses atteintes répétées aux libertés.
L’avis s’inscrit dans un contexte de condamnations répétées de Djibouti par l’ONU, notamment pour répression de l’opposition et torture.
Contexte : un opposant gênant
Abdoulkarim Aden Cher, ancien ministre du budget (2019-2022) et membre de commissions électorales, est devenu une figure symbolique de la résistance au régime. Son arrestation fait suite à la publication d’un rapport d’audit accusant le ministère du Budget de détournements, mais le Groupe de travail souligne que 95 % des contrats incriminés dataient d’avant sa nomination.
Selon l’ONU, cette affaire s’inscrit dans un schéma systémique : arrestations arbitraires, procès inéquitables, et détentions prolongées visant les opposants, notamment en période électorale.
Conclusion : un test pour la communauté internationale
Cet avis place Djibouti sous les projecteurs internationaux. La réponse (ou non-réponse) du gouvernement djiboutien sera scrutée, alors que le pays reste un allié stratégique en matière de sécurité dans la Corne de l’Afrique, hébergeant des bases militaires française, américaine et chinoise. La balle est désormais dans le camp des États membres de l’ONU pour faire pression en faveur du respect des droits humains. Lien: A/HRC/WGAD/2024/67
Hassan Cher
English translation of the article in French.
Djibouti: UN demands immediate release of Abdoulkarim Aden Cher, a former Djiboutian minister arbitrarily detained since 2022

1. Is Abdoulkarim Aden Cher’s deprivation of liberty arbitrary?
The UN Human Rights Council’s Working Group on Arbitrary Detention has issued an unequivocal opinion: the detention of Abdoulkarim Aden Cher, former Djibouti Budget Minister and a leading critic of the regime, is arbitrary under international law. In its Opinion n° 67/2024 adopted on November 14, 2024, the Working Group concludes that this deprivation of liberty violates four categories defining arbitrariness:
– Category I: Lack of legal basis (arrest without warrant, prolonged pre-trial detention without justification).
– Category II: Repression of the exercise of freedom of expression and political participation.
– Category III: Serious violation of the right to a fair trial (limited access to a lawyer, violation of the presumption of innocence).
– Category V: Discrimination based on political opinion.
The report points out that Mr. Aden Cher was arrested on March 3, 2022, a few hours after publishing a pamphlet denouncing the regime’s “bad governance” and “Caesarism”. Despite official accusations of corruption, the Working Group considers that the evidence is “pretextual” and linked to his opposition to President Ismaïl Omar Guelleh, in power since 1999.
2. Has the Working Group ordered the immediate release of Abdoulkarim Aden Cher?
Yes, the Working Group demands Abdoulkarim Aden Cher’s immediate release and reparation for the harm he has suffered, including compensation (paragraph 97). It describes his detention as “psychological torture”, pointing to “inhuman” prison conditions at Gabode prison: overcrowding, lack of medical care, insect-infested cells, and even a suspicious fire in November 2023.
3. Is an independent investigation recommended?
The Working Group calls on Djibouti to open an independent inquiry into the circumstances of this arbitrary detention and to punish those responsible (paragraph 98). It also notes pressure on Mr. Aden Cher’s family: one relative evicted from his post, another deprived of his passport and bank accounts.
4. Publication of the notice: an obligation for Djibouti
The UN calls on Djibouti to widely disseminate this notice (paragraph 99), in order to inform public opinion and the international community. This request is intended to counter the “strategy of silence” denounced by the source, which accuses the authorities of muzzling criticism.
5. Follow-up to recommendations: a six-month deadline
In accordance with paragraph 20 of the Working Methods, the Working Group demands that Djibouti report, within six months, on the measures taken to:
– Free Mr. Aden Cher;
– Compensate him;
– Investigate violations;
– Reform laws and practices contrary to human rights.
6. Consequences of non-compliance
If Djibouti ignores this advice, the consequences would be mainly political and diplomatic:
– Increased international pressure, via the Human Rights Council.
– Public reports by the Working Group to the UN Human Rights Council and General Assembly, highlighting inaction.
– Impact on the country’s image, already criticized for its repeated infringements of freedoms.
The opinion comes against a backdrop of repeated condemnations of Djibouti by the UN, notably for repression of the opposition and torture.
Background: a troublesome opponent
Abdoulkarim Aden Cher, former budget minister (2019-2022) and member of electoral commissions, has become a symbolic figure of resistance to the regime. His arrest follows the publication of an audit report accusing the Budget Ministry of embezzlement, but the Working Group points out that 95% of the incriminated contracts predate his appointment.
According to the UN, this case is part of a systemic pattern of arbitrary arrests, unfair trials and prolonged detentions of opponents, particularly during election periods.
Conclusion: a test for the international community
This opinion puts Djibouti in the international spotlight. The Djibouti government’s response (or lack of it) will be scrutinized, as the country remains a strategic security ally in the Horn of Africa, hosting French, American and Chinese military bases. The ball is now in the court of UN member states to press for respect for human rights. Link: Opinions adopted by the Working Group on Arbitrary Detention at its 101st session | OHCHR
Hassan Cher