Djibouti : Corruption et détournements au Ministère de la Jeunesse et de la Culture de Djibouti – Un système gangréné 

Djibouti : Corruption et détournements au Ministère de la Jeunesse et de la Culture de Djibouti – Un système gangréné 

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Des documents internes et des témoignages accablants révèlent une corruption systémique au sein du Ministère de la Jeunesse et de la Culture de Djibouti, impliquant l’entourage familial et des responsables administratifs de la Ministre. Fraudes financières, détournements de fonds publics, intimidations et abus de pouvoir semblent institutionnalisés, tandis que les mécanismes de contrôle de l’État restent silencieux. Retour sur un scandale d’ampleur nationale. 

1. Le « petit déjeuner » à 10 000 FDJ : Un exemple de détournement décomplexé 

D’après des relevés bancaires et des procès-verbaux internes, un montant de 10 000 FDJ a été prélevé sur les fonds publics (Don de l’UNICEF) pour couvrir chaque matin les frais du « petit déjeuner » de l’époux de la ministre. Cette dépense, approuvée sans justificatif, illustre la banalisation de l’utilisation des deniers publics à des fins personnelles. Selon une note de service (doc. 14), ces pratiques étaient courantes : des fonds destinés à des projets jeunesse ou culturels étaient régulièrement redirigés vers des dépenses privées, sous couvert d’« autorisations » signées par la ministre. 

2. Le compte client N° 41197241 chez Al-Gamil : Une illégalité flagrante 

Le compte client N° 41197241, ouvert auprès de l’hypermarché Al-Gamil pour les achats du ministère, était enregistré au nom de Naguiba Omar, secrétaire particulière de la ministre. Cette anomalie, contraire aux principes de transparence financière, a permis des achats personnels pour la ministre et son entourage. Des relevés (doc. 13) montrent des transactions pour des articles ménagers, des meubles et des produits de luxe, facturés au ministère mais livrés à des adresses privées. Selon Kadra Mouhoumed Awaleh, ancienne assistante comptable, ce compte a été « corrigé » en 2022 après son intervention, mais les détournements ont persisté via d’autres canaux. 

3. Le chèque de 3 604 978 FDJ à NOUGAPRIX : 1 140 082 FDJ évaporés 

En avril 2022, un chèque de 3 604 978 FDJ a été émis à NOUGAPRIX pour des « équipements de cinématographie ». Cependant, la facture finale ne s’élève qu’à 2 463 896 FDJ (doc. 9). La différence de 1 140 082 FDJ a été retirée en espèces, selon un « bon de retour » frauduleux (doc. 11). Cette somme, non justifiée, aurait été partagée entre des responsables du ministère et des complices externes. Kadra Mouhoumed Awaleh affirme avoir alerté en vain ses supérieurs sur ces irrégularités, avant d’être menacée par le frère de la ministre au mois de mai 2022. 

4. L’attaque du domicile de Kadra Mouhoumed Awaleh : Une intimidation orchestrée 

Le 18 octobre 2022, le domicile de Kadra Mouhoumed Awaleh et de son époux, Mohamed Djama Elmi, a été attaqué par des individus liés à la ministre. Sous prétexte de « livraison », ils ont tenté d’introduire un salon volé au Mémorial Egaa, dans le but de piéger le couple (doc. 4 et 5). Malgré une plainte déposée à la gendarmerie (doc. 23), l’affaire a été étouffée. Le procureur Hassan Mohamed Hassan a refusé d’entendre les témoins et a qualifié l’incident de « malentendu ». Kadra attribue cette impunité à la complicité des autorités judiciaires avec la ministre. 

5. Plainte N° RA17072/22 : Un dossier enterré 

La plainte déposée le 26 octobre 2022 contre Ismail, le chef de service et complice de la ministre, pour « menaces de mort et diffamation », n’a eu aucun impact juridique. Bien que condamné à 18 mois avec sursis en avril 2023 (doc. 24), Ismail reste en poste, mais monte encadre et devient directeur. Pire, des documents montrent que la ministre a tenté de faire pression sur Kadra pour qu’elle retire sa plainte, lui proposant un remboursement frauduleux des 230 000 FDJ volés dans son bureau (doc. 19). 

6. Licenciement en 2023 vs « abandon de poste » en 2024 : Une manœuvre punitive 

Kadra Mouhoumed Awaleh a été officiellement remplacée le 3 janvier 2023 par Wasira Goumaneh, fille adoptive de la ministre, lors d’une passation de charges truquée (doc. 17). Pourtant, en décembre 2024, la Directrice Administrative et Financière, Madina Saleh, l’accuse d’« abandon de poste » pour bloquer ses indemnités de fin de service (doc. 13). Cette manœuvre vise à punir Kadra pour ses dénonciations et à dissuader d’autres lanceurs d’alerte. 

7. Le silence complice de l’Inspection générale et de la Cour des Comptes 

Malgré des courriers adressés à l’Inspection générale de l’État et à la Cour des Comptes (doc. 25 à 28), aucune enquête n’a été ouverte. Un courrier du 9 février 2023 (doc. 16) révèle même que le ministre de la Justice, a conseillé à Kadra de « prendre sa part » dans les détournements, soulignant la collusion systémique. Certains hauts responsables ont refusé d’alerter le président, arguant qu’il ne pouvait « avouer que son gouvernement est corrompu » (doc. 29). 

8. Mme Kadra Mouhoumed Awaleh a-t-elle coupé l’une des mamelles de la « mafia Qawlaysato » à son insu ? 

En dénonçant des détournements massifs au Ministère de la Jeunesse de Djibouti, Kadra Mouhoumed Awaleh a involontairement visé un pilier du système corruptif de la mafia surnommée « Qawlaysato ». Ses révélations sur le compte Al-Gamil (N°41197241), frauduleusement attribué à la secrétaire de la ministre, et les preuves de surfacturations chez NOUGAPRIX (doc. 9-11) ont exposé des circuits financiers alimentant ce réseau. En refusant de participer aux malversations, elle a menacé une économie parallèle basée sur le pillage des fonds publics, notamment via des projets jeunesse et des subventions internationales détournées (doc. 7-8). 

Ses alertes ont déclenché des représailles violentes : agressions, licenciement abusif (doc. 17), et sabotage judiciaire. Si Kadra n’a pas identifié formellement « Qawlaysato », son combat a ébranlé ses flux financiers, révélant l’étendue d’un système où président, ministres, fonctionnaires et entreprises privées partagent illégalement les deniers publics. Son courage a mis en lumière une « mamelle » vitale de cette mafia : l’opacité comptable institutionnalisée. 

Conclusion : Une culture de l’impunité 

Ce dossier met en lumière un système où la corruption est institutionnalisée, protégée par des réseaux familiaux et politiques. Les promotions de responsables impliqués (doc. 9), le harcèlement judiciaire et l’inaction des institutions révèlent l’échec de l’État de droit. Face à ces révélations, la communauté internationale et les partenaires de Djibouti, comme l’UNICEF (doc. 8), doivent exiger des comptes. Sans pression extérieure, ces pratiques risquent de persister, privant la jeunesse djiboutienne des ressources qui lui sont destinées. 

Références clés : 

 Doc. 9 : Promotion des corrompus par décret présidentiel. 

 Doc. 13 : Compte Al-Gamil sous le nom de Naguiba Omar. 

 Doc. 11 : Fraude NOUGAPRIX et retrait en espèces. 

 Doc. 23 : Plainte disparue à la gendarmerie. 

 Doc. 17 : Passation de charges frauduleuse. 

 Doc. 29 : Avertissement sur la corruption d’État. 

HCH

English translation of the article in French.

Djibouti: Corruption and embezzlement in Djibouti’s Ministry of Youth and Culture – A gangrenous system 

Internal documents and damning testimonies reveal systemic corruption within Djibouti’s Ministry of Youth and Culture, involving the Minister’s family circle and administrative officials. Financial fraud, embezzlement of public funds, intimidation and abuse of power appear to be institutionalized, while state control mechanisms remain silent. A look back at a scandal of national proportions. 

1. The 10,000 FDJ “breakfast”: an example of embezzlement gone wild 

According to bank statements and internal minutes, FDJ 10,000 was taken from public funds (UNICEF donation) to cover the cost of the minister’s husband’s breakfast every morning. This expenditure, approved without justification, illustrates the trivialization of the use of public funds for personal ends. According to a memo (doc. 14), such practices were commonplace: funds intended for youth or cultural projects were regularly redirected to private expenditure, under cover of “authorizations” signed by the Minister. 

2. Client account no. 41197241 at Al-Gamil: flagrant illegality 

Customer account no. 41197241, opened at Al-Gamil hypermarket for the Ministry’s purchases, was registered in the name of Naguiba Omar, the Minister’s private secretary. This anomaly, contrary to the principles of financial transparency, enabled personal purchases for the Minister and her entourage. Records (doc. 13) show transactions for household items, furniture and luxury goods, invoiced to the Ministry but delivered to private addresses. According to Kadra Mouhoumed Awaleh, a former accounting assistant, this account was “corrected” in 2022 after her intervention, but the embezzlement continued via other channels. 

3. Cheque for FDJ 3,604,978 to NOUGAPRIX: FDJ 1,140,082 evaporated 

In April 2022, a cheque for FDJ 3,604,978 was issued to NOUGAPRIX for “cinematography equipment”. However, the final invoice only amounted to FDJ 2,463,896 (doc. 9). The difference of FDJ 1,140,082 was withdrawn in cash, according to a fraudulent “return voucher” (doc. 11). This unaccounted-for sum was shared between ministry officials and external accomplices. Kadra Mouhoumed Awaleh claims to have alerted her superiors to these irregularities in vain, before being threatened by the Minister’s brother in May 2022. 

4. The attack on Kadra Mouhoumed Awaleh’s home: orchestrated intimidation 

On October 18, 2022, the home of Kadra Mouhoumed Awaleh and her husband, Mohamed Djama Elmi, was attacked by individuals linked to the Minister. Under the pretext of “delivery”, they attempted to bring in a salon stolen from the Egaa Memorial, with the aim of trapping the couple (docs. 4 and 5). Despite a complaint to the gendarmerie (doc. 23), the case was hushed up. Prosecutor Hassan Mohamed Hassan refused to hear the witnesses, describing the incident as a “misunderstanding”. Kadra attributes this impunity to the complicity of the judicial authorities with the Minister. 

5. Complaint No. RA17072/22: A buried file 

The complaint lodged on October 26, 2022 against Ismail, the minister’s department head and accomplice, for “death threats and defamation”, had no legal impact. Despite receiving an 18-month suspended sentence in April 2023 (doc. 24), Ismail remained in post, but went on to become manager. Worse still, documents show that the Minister tried to pressure Kadra into withdrawing her complaint, offering her a fraudulent refund of the 230,000 FDJ stolen from her office (doc. 19). 

6. Dismissal in 2023 vs. “abandonment of post” in 2024: A punitive maneuver 

Kadra Mouhoumed Awaleh was officially replaced on January 3, 2023 by Wasira Goumaneh, the Minister’s adopted daughter, in a rigged handover (doc. 17). However, in December 2024, the Administrative and Financial Director, Madina Saleh, accused her of “abandonment of post” in order to block her end-of-service allowances (doc. 13). This maneuver is intended to punish Kadra for her whistle-blowing and deter other whistle-blowers. 

7. The complicit silence of the Inspectorate General and the Court of Auditors 

Despite letters sent to the Inspection Générale de l’Etat and the Cour des Comptes (doc. 25 to 28), no investigation has been launched. A letter dated February 9, 2023 (doc. 16) even reveals that the Minister of Justice advised Kadra to “take part” in the misappropriations, underlining the systemic collusion. Some senior officials have refused to alert the President, arguing that he could not “admit that his government is corrupt” (doc. 29). 

8. Did Mrs. Kadra Mouhoumed Awaleh unwittingly cut off one of the “Qawlaysato mafia’s” teats? 

By denouncing massive misappropriations at Djibouti’s Ministry of Youth, Kadra Mouhoumed Awaleh unwittingly targeted a pillar of the corrupt system of the mafia nicknamed “Qawlaysato”. Her revelations about the Al-Gamil account (N°41197241), fraudulently attributed to the Minister’s secretary, and the evidence of overbilling at NOUGAPRIX (doc. 9-11) have exposed the financial circuits feeding this network. By refusing to participate in the embezzlement, she threatened a parallel economy based on the plundering of public funds, notably via youth projects and misappropriated international subsidies (docs. 7-8). 

Her warnings triggered violent reprisals: assaults, unfair dismissal (doc. 17), and judicial sabotage. Although Kadra did not formally identify “Qawlaysato”, her fight shook up its financial flows, revealing the extent of a system where the president, ministers, civil servants and private companies illegally share public funds. His courage has brought to light a vital “udder” of this mafia: institutionalized accounting opacity. 

Conclusion: A culture of impunity 

This dossier highlights a system where corruption is institutionalized, protected by family and political networks. The promotions of officials involved (doc. 9), judicial harassment and institutional inaction reveal the failure of the rule of law. Faced with these revelations, the international community and Djibouti’s partners, such as UNICEF (doc. 8), must demand accountability. Without external pressure, these practices are likely to persist, depriving Djibouti’s youth of the resources intended for them. 

Key references : 

 Doc. 9: Promotion of the corrupt by presidential decree. 

 Doc. 13: Al-Gamil account in the name of Naguiba Omar. 

 Doc. 11: NOUGAPRIX fraud and cash withdrawals. 

 Doc. 23: missing complaint to the gendarmerie. 

 Doc. 17: fraudulent transfer of charges. 

 Doc. 29: Warning on state corruption. 

HCH

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared