Kenya: les sacs Peepoo veulent remplacer les « toilettes volantes » du bidonville de Kibera

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sacs PeepooFaute de WC et d’eau courante, les habitants du bidonville de Kibera, dans le centre de Nairobi, ont adopté les « toilettes volantes », sacs en plastique dans lesquels ils font leurs besoins avant de s’en débarrasser en les faisant atterrir dans la rue.

L’entreprise PeePoople, basée en Suède, tente de remédier au problème grâce à Peepoo (littéralement « Pipicaca »), premiers « toilettes biodégradables, autodésinfectantes à usage unique ». En l’espèce un pot en plastique sur lequel se pose un double sac, jetable dans un des points de collecte répartis dans le bidonville.

« Actuellement à Kibera, il n’y a que des toilettes publiques, que peuvent se partager jusqu’à 300 personnes », explique à l’AFP Camilla Wirseen, directrice de Peepoople Kenya, rappelant que seuls 30% des Kényans disposent de toilettes à domicile.

Outre leur saleté, ces simples trous au-dessus d’une fosse rapidement pleine sont payants et, à Kibera, dès la nuit tombée, il devient trop dangereux de s’aventurer hors de chez soi.

D’où l’utilisation généralisées des « toilettes volantes », jonchant rues et caniveaux, contaminant les fontaines publiques du bidonville, où ne passe aucun service municipal de nettoyage.

« Là où je vis il n’y a pas de toilettes », explique Lydia Kwamboka, 29 ans, qui s’entasse avec ses quatre enfants dans une petite masure en torchis du quartier de Shilanga, à Kibera. « Quand mes enfants avaient la diarrhée la nuit, je leur donnais un sac en plastique », qui allait rejoindre dans la rue les autres « toilettes volantes ».

« Vous deviez faire attention où vous posiez les pieds » dans la rue, admet, sa dernière fille dans les bras, la jeune femme, qui utilise désormais « Peepoo » depuis deux ans: « C’est tellement pratique ».

Désormais, le matin, des habitants de Shilanga, en chemin pour le marché, le travail ou l’école, passent déposer leurs sacs verts et blancs aux points de collecte. Chaque sac apporté donne droit à 1 shilling (moins d’un ct d’euro), environ la moitié du prix du sac. Le contenu est revendu par Peepoople comme engrais à des petits exploitants agricoles.

Les rues restent jonchées de détritus et parcourues d’eaux usées, mais les « toilettes volantes » semblent avoir largement disparues.

« Avant Peepoo, cet endroit était très sale », désormais « nous n’avons plus de maladies tels que choléra et typhoïde », explique Patricia Okello, 51 ans, qui vend les sacs Peepoo aux habitants de Shilanga. Peepoo « a changé ma vie », assure cette mère de deux filles et grand-mère de trois petits enfants.

Latrines nauséabondes

Chaque jour elle fait le tour des quelque 200 clients de sa zone, tout en en prospectant de nouveaux. Chaque paquet de 28 sacs, vendu 50 shillings (environ 45 cts d’euros), lui en rapporte 20. Cette ex-cuisinière, que sa santé avait contraint à quitter son emploi, assure aussi des formations, payées 500 shillings la journée.

Elle dispose ainsi d’un vrai revenu, régulier, depuis trois ans, après avoir survécu difficilement en vendant des beignets dans la rue, dans un pays où près de la moitié de la population vit avec moins de un dollar par jour – dont une grande partie à Kibera.

Peepoople distribue gratuitement ses sacs dans des écoles, où elle installe aussi des lavabos et fournit du savon, tout en formant parents et élèves aux règles d’hygiène.

Peepoo a « presque tout changé » à l’école Anwa, explique sa fondatrice et directrice, Ann Wambui, dont la passion débordante semble faire tenir à elle seule le bâtiment de guingois, de planches et de tôles ondulées, où près de 400 élèves s’entassent dans six classes, derrière des pupitres bricolés, sans livres ni cahiers.

Des toilettes immaculées dans lesquelles les enfants utilisent les pots et sacs Peepoo ont remplacé les fosses, dont le trou est à l’air libre, constamment envahies de mouches volant d’un élève à l’autre.

Les élèves peuvent « utiliser (Peepoo) seuls, une fois utilisé vous le jetez, le tout est enlevé le jour-même, alors qu’il faut de l’argent pour faire nettoyer les latrines », explique Ann Wambui, dont plusieurs parents d’élèves peinent à payer les 200 shillings mensuels de frais d’inscription.

L’absentéisme dû aux maladies a diminué et les résultats scolaires ont connu une énorme amélioration, assure-t-elle.

Les élèves se disent ravis et assurent, comme Hopkins Mwanza, avoir rallié leurs parents à Peepoo pour ne plus avoir à fréquenter des latrines souvent débordantes, « où certains font leurs besoins à côté ». A Kibera, de nombreux enfants préférant les terrains vagues alentour aux latrines nauséabondes, sont victimes de viol, rappelle Camilla Wirseen.

Pour l’heure, Peepoople ne touche que quelques quartiers de Kibera et y collecte environ 5.000 sacs par jour, sur une population estimée à un million d’habitants. Ses promoteurs espèrent porter ce nombre à 50.000 d’ici un an et à 100.000 fin 2015.

Camilla Wirseen souligne aussi que le dispositif est idéal pour les situations d’urgence et les camps de réfugiés.

« Dans le monde, 2,5 milliards de personnes – plus d’un tiers de l’humanité – n’ont pas de véritables toilettes », rappelle-t-elle. « Un enfant meurt toutes les 15 mn en raison de problèmes d’hygiène dans le monde » (…) des femmes sont obligées de se retenir des journées entières » en raison du manque de toilettes.

Et de souligner qu’au-delà du simple problème sanitaire, « l’hygiène est une question de dignité ».

Copyright © AFP 2013. Tous droits réservés.

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

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