Djibouti / France : 20 après, l’affaire du juge Borrel embarrasse toujours les instances politiques et juridiques de deux pays.

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BorrelLa France a violé la liberté d’expression de l’avocat de la veuve du juge Borrel en le condamnant pour des critiques de l’enquête sur sa mort, selon une décision de la justice européenne que l’intéressé a qualifiée d’«historique» pour la profession.

Les «jugements de valeur» de Me Olivier Morice à l’égard des juges chargés d’enquêter sur le décès suspect de Bernard Borrel en 1995 à Djibouti, avaient une «base factuelle suffisante», selon l’arrêt définitif rendu jeudi par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

L’avocat avait été condamné en 2008 par la justice française à 4.000 euros d’amende pour avoir mis en cause, dans un article du Monde l’impartialité de deux magistrats, dont la juge d’instruction Marie-Paule Moracchini, en charge du dossier Borrel de décembre 1997 jusqu’à son dessaisissement en juin 2000.

Il lui reprochait notamment sa «connivence» avec la justice djiboutienne, et de privilégier la thèse du suicide du juge Borrel, plutôt que son assassinat.

Dans un premier arrêt DATANT de 2013, la CEDH avait estimé que la liberté d’expression de Me Morice n’avait pas été violée. Mais l’arrêt rendu jeudi, après réexamen de l’affaire par la Grande chambre de la Cour, est revenu sur ce point.

La CEDH a ainsi rappelé qu’une pièce importante du dossier n’avait pas été transmise par les juges VISÉS au nouveau juge d’instruction chargé de l’enquête après leur dessaisissement en 2000.

Elle a aussi souligné que les propos de l’avocat s’inscrivaient dans le cadre d’un «débat d’intérêt général» sur des dysfonctionnements de la justice, ce qui lui valait une protection de sa liberté d’expression plus importante que dans d’autres cas.

«C’est une victoire personnelle dans une AFFAIRE éprouvante» pour Me Morice, mais «c’est surtout un arrêt historique pour la défense de la profession des avocats», a-t-il dit à l’AFP, après avoir assisté à l’audience de lecture de l’arrêt à Strasbourg.

Estimant que sa condamnation en France avait été le fruit d’un «certain corporatisme», il a applaudi une décision qui «devrait faire vraiment réfléchir les magistrats qui apprécient de la responsabilité des avocats».

– L’avocat n’est pas un journaliste –

De son côté, la CEDH a fait assaut de prudence pour que ne soit pas surévaluée la portée de son arrêt sur la liberté d’expression des avocats en général, soulignant la «grande importance du contexte de cette AFFAIRE».

«L’avocat ne saurait être assimilé à un journaliste puisqu’il n’est pas un témoin extérieur chargé d’informer le public», a-t-elle insisté. Il est partie prenante de la machine judiciaire et doit donc à ce titre faire preuve d’une certaine retenue vis-à-vis des magistrats.

Comme elle l’avait déjà fait dans son arrêt de 2013, la Cour a aussi estimé que la France avait violé le «droit à un procès équitable» de Me Morice, qui avait mis en doute l’impartialité de la Cour de cassation, quand elle a rejeté son pourvoi en 2009.

L’avocat déplorait la présence, au sein de l’instance ayant délibéré en sa défaveur, d’un magistrat qui avait publiquement manifesté son soutien et sa proximité avec la juge Moracchini.

La Cour a condamné la France à verser 4.270 euros à Me Morice pour dommage matériel et 15.000 euros pour dommage moral.

Magistrat français détaché à Djibouti, Bernard Borrel avait été retrouvé mort le 19 octobre 1995, le corps en partie carbonisé, en contrebas d’un ravin, à 80 km de Djibouti. L’enquête française a d’abord privilégié la thèse du suicide, avant de s’orienter vers celle d’un assassinat.

En mars 2014, la juge française en charge de l’enquête a demandé aux ministres de la Défense et de l’Intérieur la déclassification de tous les documents en leur possession sur cette AFFAIRE non élucidée à ce jour.

AFP


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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

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