Djibouti L’offre de dialogue d’Ismael Omar Guelleh, un marché de dupes

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« Qui me trompe une fois, honte à lui ; qui me trompe deux fois, honte à moi », proverbe anglo-saxon.

Ce n’est point trahir un secret que de noter la furtive reprise du dialogue entre l’opposition djboutienne et le régime de Guelleh. Après plus de cinq mois de silence radio, le locataire de Beit-el-wali a décidé de réamorcer le dialogue jusqu’ici dans l’impasse en recevant, au début de ce mois, un membre du haut conseil de l’USN. Selon certaines indiscrétions, il paraît que le convive d’IOG qui a été mandaté par la coalition de l’opposition, en l’occurrence M. Aden Abdou, aurait obtenu de son hôte des engagements oraux. Lesquels ? A Haramous, on reste peu disert sur ce point, d’aucuns soupçonnent même qu’IOG ferait sien l’adage populaire qui dit que « la parole s’envole, l’écrit reste ».

C’est un truisme d’affirmer que l’interlocuteur du représentant de l’USN est passé maître dans l’art du non-respect de la parole donnée. Alors, comment se fait-il qu’il n’ait aucune trace écrite de l’entrevue ? L’on ne peut brandir l’argument de la société où l’oralité prime, l’opposition a plutôt pêché par naïveté en faisant confiance à « la parole sacrée du président ».

Depuis cette entrevue, l’opposition semble avoir perdu le code téléphonique de leur interlocuteur d’un jour. Le vent de Khamzine qui souffle dans cette partie du monde a-t-il causé des dommages sur les réseaux de télécommunication ? A moins que le changement climatique n’ait perturbé le cycle naturel de vent, d’ordinaire ce n’est pas la saison où ce phénomène risque de se produire.

Du côté du pouvoir en place ou pour être plus précis IOG puisque le système de gouvernance en vigueur à Djibouti est ce que les politologues ont nommé « la monocratie », c’est à dire un système politique où un seul homme appelé monocrate règne en maître absolu, l’on explique qu’il ne s’agit  nullement d’une rupture de dialogue mais que l’on est plutôt proche d’une finalisation du processus de sortie de crise. Du côté de l’opposition, l’on crie halte au mensonge et à la manipulation tout en réitérant leur volonté de trouver une issue pacifique à la grave crise politique post-électorale.

Au-delà du dialogue de sourds, la seule certitude est le report sine die de la vraie fausse négociation. Les pourparlers entre les deux protagonistes, ont-ils vraiment eu lieu, étant renvoyés aux calendes grecques, le timide dialogue se trouve encore une fois embourbé, exclusivement du fait de la volonté du monocrate Guelleh.

Il est vraiment navrant de constater que l’opposition djiboutienne ait mordu à l’hameçon d’une fausse relance du dialogue, qu’elle s’est laissée amadouer par les promesses d’un individu qui l’a déjà roulée dans la farine, notamment au mois de septembre dernier. Les revendications de l’USN ne comportaient pourtant aucune clause remettant en cause le pouvoir absolu de Guelleh, loin s’en faut, elles étaient plutôt timorées. Ces revendications s’articulaient autour de ces trois points :

– la libération de tous les prisonniers politiques,

– la réintégration des élus locaux déchus de leurs mandats et toutes les personnes suspendues de leurs fonctions pour appartenance à l’opposition,

– la fin de la répression anti-USN de la part de son bras séculier, la soldatesque du petit Zak et celle du perforateur d’oreilles Abdillahi Abdi.

Non seulement aucun de ces points n’a été accompli mais en plus le harcèlement à l’encontre de tout opposant ou sympathisant de l’opposition s’est intensifié comme le note ce communiqué de l’USN : « Le harcèlement anti-USN se poursuit sous divers formes et les victimes de la répression postélectorale attendent toujours d’être rétablies dans leurs activités et droits. De même la question majeure de la place légitime de l’USN à l’Assemblée Nationale reste entière ».

Le moins que l’on puisse dire est que l’opposition djiboutienne a manqué de fermeté, d’audace, pire elle a laissé l’initiative à celui qui est à la fois juge et partie dans ce simulacre de dialogue. L’on a l’impression que l’USN s’est résignée à passer sous les fourches caudines du dictateur Guelleh, qu’elle se plie sans broncher aux diktats de celui qui n’a jamais été sincère tout au long de ce « dialogue » (le terme monologue serait plus judicieux).

Il y a tout lieu de croire que le satrape de Haramous a balancé l’idée de dialogue juste pour contenir la contestation populaire qui risquait de balayer à tout jamais son régime à bout de souffle. Le dialogue prôné par cet autocrate impénitent n’est que de la diversion publique, un jeu de poker menteur.

Peut-on accorder ne serait-ce qu’un atome de crédit à un régime qui appelle au dialogue tout en malmenant son partenaire ou en lançant une véritable chasse aux sorcières à l’encontre de toute voix dissidente ? La réponse est non. Il convient alors de s’interroger sur l’opportunité d’un dialogue avec un tel pouvoir qui a toujours été réfractaire à l’idée même de partage de pouvoir.

Sans vouloir jouer les Cassandre, si d’aventure le dialogue entre le pouvoir en place et l’opposition se soldait par un accord, il n’est pas sûr que celui-ci soit appliqué. Pour s’en convaincre, il est utile de citer un précédent : l’accord de paix définitif conclu, en mai 2001, entre le régime de Guelleh et le FRUD de feu Dini. La cérémonie de signature qui a eu lieu au Palais du peuple s’est déroulée, selon l’agence djiboutienne d’information, dans une atmosphère de fête haute en couleur. Dans une allocution prononcée lors de cet événement, le locataire de Beit-el-wali s’est engagé à veiller personnellement au respect dudit accord : « Mesdames et Messieurs, je voudrais saisir cette occasion, en qualité de chef d’état, pour réaffirmer mon engagement total et ma volonté politique au respect et à l’application de cet accord. Cet engagement que je prends solennellement devant vous aujourd’hui va de pair avec ma foi inébranlable en l’avenir de mon pays, à la solidarité de mon peuple et à son amour pour la paix. C’est avec la même détermination que je dis ‘plus jamais ça’ », a-t-il conclu son intervention.

Que reste-t-il aujourd’hui de cet accord ? Un communiqué de la LDDH écrit par le regretté Jean-Paul Noël Abdi nous apporte quelques éléments de réponse à cette interrogation: « En dehors du « bûcher de la Paix » (décision unilatérale du FRUD-ARME de brûler son arsenal), de l’intégration de 300 combattants dans les différents corps d’armes par le seul gouvernement sans concertation avec l’autre partie et un multipartisme qui reste de façade comme le prouve la mainmise sur tout l’appareil étatique du parti au pouvoir à l’issue de trois consultations électorales au 1er avril 2006, il ne subsiste plus rien de cet Accord. Violé par la partie gouvernementale dès le lendemain de sa signature, il a été dénoncé par l’autre partie en sept 2005. Ce que la LDDH a déploré d’abord parce qu’englobant tous les aspects institutionnels d’une pacification durable du pays, il apportait des solutions satisfaisantes aux causes et conséquences du conflit ; ensuite parce que sa dénonciation constituait un retour implicite au statu quo ante conflit et la cause principale de la situation de ni guerre ni paix que nous vivons aujourd’hui. » .

De l’avis quasi-unanime du peuple djiboutien, le régime de Guelleh n’est pas digne de confiance. Il ne sert donc à rien d’entamer un quelconque dialogue avec un pouvoir qui ne respecte pas ses engagements, qui propose un dialogue où les dés sont pipés d’avance. A moins que celui-ci ne soit basé sur des conditions préalables comme l’acceptation d’une médiation, de préférence onusienne, chargée de superviser tout le processus.

Face au blocage politique, il est impérieux de maintenir la résistance citoyenne entamée depuis le 18  février 2011, de ne jamais relâcher un seul instant la pression populaire avant d’obtenir gain de cause, à savoir la mise en place d’une vraie alternance démocratique.

SAVE DJIBOUTI

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Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

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