Afrique de l’Est : Dans les communautés des zones de Shinile, Jijiga en Éthiopie, de Togdheer dans la république autoproclamée du Somaliland et de Turkana au Kenya.

Ad

Depuis qu’une sécheresse a frappé la Corne de l’Afrique en 2011, les organisations humanitaires tentent de comprendre les changements enregistrés dans les zones arides, espérant ainsi mieux anticiper les besoins de la population. Des recherches récentes montrent que ces changements dépassent les questions liées au climat et à l’environnement, et englobent des facteurs sociaux et économiques. Leurs résultats ont d’importantes répercussions du point de vue des politiques.

Dans le rapport conjoint de la Croix-Rouge, Oxfam et Save the Children, intitulé Changes in the arid lands: the expanding rangeland, il est précisé que « les récits de vie révèlent généralement que ces populations aspirent à une vie traditionnelle d’éleveurs, tournant autour de l’élevage d’animaux et du maintien d’une transhumance pastorale traditionnelle ayant peu changé au cours des siècles ».

Les facteurs externes, tels que la sécheresse, sont utilisés pour justifier le fait que les éleveurs nomades s’installent désormais dans des campements et des zones périurbaines. Pourtant, comme il est indiqué dans le rapport, cette explication ne tient pas compte du fait que les conditions socioéconomiques évoluent rapidement dans ces communautés.

« La [méthode] des récits de vie n’a pas tenu compte de la forte augmentation de la population (près de six fois supérieure à celle d’il y a 50 ans), ni de l’augmentation du matérialisme, de la commercialisation et d’une connectivité accrue au monde extérieur à leur communauté […] Il fallait que [cette méthode] soit actualisée. »

Les nouvelles aspirations de la population

Dans les communautés des zones de Shinile et Jijiga en Éthiopie, de Togdheer dans la république autoproclamée du Somaliland et de Turkana au Kenya, les chercheurs ont demandé aux populations quels étaient leurs souhaits pour l’avenir.

Les auteurs rapportent que « dans l’ensemble, c’est l’éducation qui a été citée comme le meilleur moyen de pouvoir atteindre ses objectifs; que ce soit pour les personnes interrogées elles-mêmes ou pour leurs enfants et petits-enfants. Les parents, où qu’ils vivent, souhaitent que leurs enfants puissent accéder à l’éducation et trouver un emploi ».

Le rapport souligne également que les jeunes et les enfants aspirent à un avenir professionnel, y compris ceux issus des campements d’éleveurs. Parmi eux, les plus sédentarisés et urbains s’intéressent au commerce. Les femmes sont également de plus en plus attirées par une carrière professionnelle ou la gestion d’une entreprise. Elles s’éloignent ainsi de leurs rôles traditionnels consistant à s’occuper du foyer et de la famille.

Pourtant, l’élevage reste important et les familles espèrent « continuer à profiter des perspectives traditionnelles et non traditionnelles ». Cependant, dans la région de Turkana, de nombreuses personnes interrogées estiment qu’un avenir meilleur est synonyme d’un avenir sans bétail. Dans un contexte de sécheresses à répétition et d’une baisse du nombre de têtes de bétail, les habitants de Turkana cherchent de plus en plus à diversifier leurs moyens de subsistance.

Opportunités et défis

Au Kenya, les régions arides marginalisées depuis longtemps sont désormais sur le devant de la scène de la planification et du développement.

D’après un document de travail de Future Agricultures Consortium (FAC), le plan de développement national du Kenya, intitulé Vision 2030 et publié en 2007, considérait déjà les zones arides historiquement marginalisées comme une « nouvelle frontière » pour le développement.

Le projet de corridor de transport Lamu-Sud-Soudan-Éthiopie (LAPSSET), le projet phare du Kenya dans le cadre du plan Vision 2030, permet l’ouverture de la région aride du nord. Les plans du LAPSSET comprennent les constructions suivantes : un port à Lamu, une ligne ferroviaire à écartement standard de 1500 km entre Lamu et Nakodok à la frontière du Kenya et du Soudan du Sud, des oléoducs vers le Soudan du Sud et l’Éthiopie, une raffinerie de pétrole, trois aéroports et trois stations touristiques.

Pourtant, selon les experts, si le LAPSSET peut générer de la richesse et offrir de nouvelles perspectives, il risque également de présenter des risques pour l’environnement et pour les droits et les moyens de subsistance des communautés locales.

Les éleveurs craignent que le corridor de transport du LAPSSET, large de 200 m, entrave les principales routes empruntées par les éleveurs. Les responsables de la région de Lamu réclament une part des fonds provenant des activités du port, une fois que sa construction sera terminée. Le projet est critiqué, car les communautés n’ont pas été consultées.

Les locaux réclament aussi l’accès aux bénéfices tirés d’autres projets de développement. Dans la région de Turkana, les habitants ont organisé des manifestations pour réclamer plus d’emplois dans le secteur pétrolier en plein essor.

Selon un rapport de 2013 sur la planification intégrée des zones arides du Kenya, de l’Éthiopie et de l’Ouganda, les politiques et la législation actuelles dans la Corne de l’Afrique offrent un soutien mitigé aux communautés des zones arides.

D’après le rapport, « les principes de la planification intégrée sont promus, à savoir la participation des communautés (les utilisateurs des terres) et autres parties prenantes, le droit à l’information et au savoir, le droit de ne pas être chassé d’une terre sans recevoir de compensation, le développement équitable. Mais, dans la pratique, de nombreuses politiques et la législation sont loin de garantir un appui total aux zones arides, à leurs systèmes de production ou aux communautés qui en dépendent ».

Mettre un terme à la marginalisation des zones arides

Mettre un terme à la marginalisation des zones arides pourrait permettre de résoudre certains problèmes.

« Le niveau des services dont [ces régions] bénéficient est trop souvent lamentable. Les services doivent être proposés en fonction des besoins de la population. Ainsi, là où les populations vivent de l’élevage, il faut investir dans les services [concernés] », a déclaré à IRIN Simon Levine, chercheur à Humanitarian Policy Group (HPG). Parmi ces services, il faut compter l’investissement dans des domaines tels que la santé animale.

« Au Kenya, le travail ne fait que commencer du point de vue de la relation entre la production de l’élevage dans les terres arides ou semi-arides et les fermes qui sont en mesure de proposer le conditionnement des animaux, en particulier pendant les périodes de sécheresse », a expliqué M. Levine. Il a également rappelé qu’« aujourd’hui, la plupart des investissements dans l’élevage s’appliquent aux terres agricoles à potentiel élevé ».

Du point de vue de l’occupation des terres, la sécurité est également cruciale. En effet, la « spoliation foncière » est une préoccupation constante.

« Mettre un terme à la marginalisation revient aussi à donner aux populations des zones arides des droits sur les terres équivalents à ceux dont jouissent les autres citoyens. L’octroi de droits fonciers ne signifie pas qu’un investissement ne sera jamais envisageable ; cela signifie simplement que les intérêts des individus ayant des droits doivent être pris en compte et, le cas échéant, une compensation doit leur être proposée », a-t-il ajouté.

L’investissement dans les zones arides ne devrait pas se limiter à l’élevage. « Bien des personnes, surtout les jeunes, ne veulent pas que leurs choix de vie soient limités à l’élevage et il n’y a aucune raison qu’elles n’aient pas d’autre choix que celui-là. Cela implique une transformation massive des services d’éducation, qui sont, pour la plupart, très, très limités dans les zones arides. Cela implique aussi un investissement dans d’autres infrastructures économiques », a-t-il expliqué.

« Le nord du Kenya […] subit une marginalisation depuis longtemps. Les administrations coloniales et postcoloniales ont oscillé entre la négligence et l’exploitation des parties les plus reculées du nord », indique le document du FAC. « Du fait d’un isolement prolongé et du manque d’investissement, la région enregistre les plus bas niveaux de développement humain au Kenya. Dans certaines régions du nord, l’alphabétisation des adultes ne dépasse pas les 10 pour cent, le taux net de scolarisation en primaire est inférieur à 30 pour cent et moins de la moitié des enfants bénéficient de tous les vaccins recommandés. »

Donner la parole aux communautés

Au Kenya, les communautés vivant dans les zones arides sont favorables à la décentralisation des pouvoirs, un processus connu sous le nom de dévolution, afin d’imposer leurs objectifs de développement.

« Cependant, les éleveurs ne peuvent être entendus que si [les personnes à la tête de] leur structure traditionnelle de gestion sont consultées », a déclaré à IRIN Marko Lesukat, gestionnaire des risques de catastrophe pour Plan International en Afrique orientale et australe.

« Ce qui me préoccupe, c’est la terre (en tant que pâturage, ressource d’eau, patrimoine et pour le sentiment d’appartenance éprouvé envers elle), » a ajouté M. Lesukat. Il incite ainsi le gouvernement central à tenir compte des préoccupations concernant les zones arides pour atténuer le conflit.

Dans le rapport publié par la Croix-Rouge, Oxfam et Save the Children, il est indiqué que les réponses de l’enquête sur les communautés des zones arides soulignent combien il est « important de donner la parole aux populations, en particulier lorsqu’il s’agit de leur avenir […] Leurs aspirations ne se concrétiseront pas forcément, mais elles indiquent clairement les objectifs que [ces populations] ont l’intention de poursuivre. »

aw/rz-fc/ld

irinnews

Ad
Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.