Ethiopie: le contentieux de l’Egypte avec l’Ethiopie au sujet de l’eau du Nil prend…

Ad

Barrage Ethiopien sur le NilLe problème reste entier entre l’Egypte et l’Ethiopie autour de la construction par Addis-Abeba du barrage de la « Grande Renaissance » sur le Nil bleu. La dernière séance de négociations tripartites, avec le Soudan, s’est achevée le 5 janvier sur une impasse, la délégation éthiopienne rejetant les propositions faites par Le Caire pour parvenir à un compromis.

Le ministre de l’Irrigation, Mohamad Abdel-Motaleb, qui a dirigé la délégation égyptienne, avait fait deux propositions à l’Ethiopie. La première est la formation d’une commission neutre composée d’experts internationaux pour arbitrer les contentieux qui surgiraient entre les trois pays du bassin du Nil bleu sur l’impact hydraulique et environnemental du barrage. Addis-Abeba a opposé une fin de non-recevoir. Des sources éthiopiennes ont indiqué que ces experts sont majoritairement originaires de pays occidentaux, qu’Addis-Abeba considère comme adoptant habituellement des positions contraires aux intérêts éthiopiens.

La seconde proposition égyptienne est l’adoption d’un document contenant des « principes d’établissement de confiance » dont l’objectif est de garantir « le respect » par Addis-Abeba de la sécurité de l’eau en Egypte et au Soudan, les deux pays en aval du bassin du Nil bleu. L’Ethiopie a également rejeté cette proposition, arguant qu’elle est contraire à l’accord d’Entebbe signé en mai 2010 par 6 pays du bassin du Nil, sur un partage « équitable » des ressources du Nil. Cet accord est à l’origine de la dispute actuelle entre l’Egypte et l’Ethiopie sur les eaux du Nil bleu, qui prend sa source dans les hauts plateaux éthiopiens, et qui assure 85 % de la part annuelle impartie à l’Egypte (55,5 milliards de m3). Il donne le droit aux pays en amont d’entreprendre des projets hydrauliques sans prendre l’avis des Etats en aval.

Cet accord est destiné à radicalement modifier la situation prévalant jusqu’alors et qui accordait à l’Egypte un droit de veto sur tout projet hydraulique de nature à affecter négativement sa part en eaux du Nil. Ce droit découlait de deux accords internationaux. Le premier, conclu en 1929 entre l’Egypte et la Grande-Bretagne, au nom de ses colonies africaines dans le bassin du Nil, l’Ouganda, le Kenya et le Tanganyika (la Tanzanie aujourd’hui), accordait respectivement à l’Egypte et au Soudan une part annuelle de 48 et 4 milliards de m3. Le second, signé après l’indépendance du Soudan entre Le Caire et Khartoum en 1959, a fait porter la part des deux pays respectivement à 55,5 et 18 milliards de m3.

Depuis la conclusion de l’accord d’Entebbe, et surtout depuis le début de construction du barrage de la Grande Renaissance en avril 2011, les rapports entre l’Egypte et l’Ethiopie sont tendus et imprégnés de suspicions. Le Caire croit qu’Addis-Abeba est de mauvaise foi. Il a profité du soulèvement populaire du 25 janvier 2011, de la chute du régime de Hosni Moubarak et des troubles qui se sont ensuivis pour lancer les travaux de construction du barrage. Ce sentiment est renforcé par l’évolution ultérieure des discussions bilatérales, où l’Ethiopie a refusé plusieurs des initiatives faites par l’Egypte pour s’assurer que le barrage ne lui portera pas préjudice. Il en était ainsi de la demande du Caire, en décembre dernier, de suspendre les travaux de construction de 6 mois, en attendant les résultats d’études sur son impact sur les pays en aval. Addis-Abeba a également rejeté une requête égyptienne de réduire la taille du projet. Le Caire a ainsi proposé que sa hauteur soit ramenée de 145 à 90 m, que la capacité de son réservoir soit diminuée de 74 à 14 millions de m3 et que sa production en électricité soit révisée à la baisse de 6 000 MW à une moyenne entre 1 400 et 1 800 MW. L’Egypte a aussi proposé de participer à la construction du barrage pour s’assurer qu’il ne lui portera pas préjudice. Toutes ces propositions ont été rejetées par la partie éthiopienne, qui entend ainsi réaffirmer son droit de disposer d’une ressource qui prend sa source dans son territoire.

L’Egypte, pour adoucir la position éthiopienne, tente d’agir au niveau de la société civile, afin de créer un meilleur climat de compréhension et de coopération. En collaboration avec le Conseil arabe de l’eau, présidé par l’ancien ministre de l’Irrigation, Mahmoud Abou-Zeid, l’Egypte a décidé en décembre d’envoyer tous les 3 mois une délégation populaire, comprenant des représentants des forces politiques, des écrivains, des artistes, des jeunes et autres, dans les pays du bassin du Nil bleu, l’Ethiopie, le Soudan et le Sud-Soudan, afin de mieux expliquer aux acteurs de la société civile la position de l’Egypte, à savoir qu’elle comprend les besoins en projets de développement des pays en amont, qu’elle voudra et pourra y contribuer, mais que ces projets ne doivent pas nuire aux intérêts des pays en aval, notamment l’Egypte, qui compte à presque 95 % de ses besoins en eau sur le Nil. Ces délégations devraient s’étendre dans un deuxième temps aux pays du bassin du Nil blanc.

Pour le moment, la situation reste dans l’impasse. Pour s’en sortir, il faudra bien de la bonne volonté et des mesures qui la prouvent. L’Ethiopie, celle qui a pris l’initiative de lancer les travaux du barrage sans consulter au préalable, aura la tâche principale de calmer les inquiétudes de l’Egypte par des actes, et non pas seulement par des paroles sur son refus de nuire aux intérêts de l’Egypte. Certes, l’Ethiopie, l’un des pays les plus pauvres du monde, a un grand besoin de promouvoir des projets pour son développement, dont celui du barrage de la Grande Renaissance. L’Egypte qui, historiquement, s’accapare la part du lion des eaux du Nil a le devoir d’aider ses partenaires du bassin du Nil dans leur développement, aussi par les actes et non seulement par les paroles. Ces deux constats devraient jeter les bases d’une saine coopération entre les deux pays, ainsi qu’entre l’ensemble des pays du bassin du Nil. A Addis-Abeba d’ôter les raisons d’inquiétude du Caire, à travers la transparence et la coopération. Si l’Ethiopie est sincère dans sa volonté de ne pas heurter les intérêts de l’Egypte, qu’empêchera alors de se montrer plus coopérative, de pallier si nécessaire les carences du projet et de préparer des alternatives et des solutions techniques en cas de possible préjudice aux intérêts de l’Egypte ?

Hicham Mourad15-01-2014

Ad
Authored by: Hassan Cher Hared

Hassan Cher Hared

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.